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Les films de mai 2007 / I

Commentaires sur : Elsa y Fred - Das Leben der Anderen (La vie des autres) - Miss Potter.

Article mis en ligne le mai 2007
dernière modification le 5 décembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Elsa y Fred


de Marcos Carnevale, avec China Zorrilla, Manuel Alexandre. Espagne, 2006.

Elle, c’est Elsa, une adolescente de 82 ans, pleine d’optimisme et de vitalité, enfermée dans un corps de femme âgée.
Lui, c’est Alfredo, son nouveau voisin. A 77 ans il vient de perdre sa femme et avec elle tout espoir en la vie.
Elsa a passé la moitié de son existence à rêver d’une seule chose : refaire la scène de La Dolce Vita dans laquelle Anita Ekberg se baigne dans la fontaine de Trevi. Le temps presse, les séances de dialyse fatiguent son vieux corps, et même si l’esprit est vif, Elsa sait que le temps qui lui reste à vivre est compté. Alfredo s’est contenté d’une vie rangée, ordonnée, où nulle place n’était laissée aux surprises, aux imprévus, à la spontanéité. Elsa est sérieusement décidée à y remédier tout en réalisant ainsi son rêve. Elle entre dans sa vie comme un tourbillon, lui insufflant un air de jeunesse, d’insouciance et une pointe de folie.
Alfredo devient alors Fred, son amoureux. Ils se rendent compte que le temps qu’il leur reste à vivre est précieux. Une escapade à Rome est en vue, au grand damne de l’entourage des deux tourtereaux qui tentent de leur faire entendre raison. Mais quand l’amour nous tient…
Quel scénario insolite pour ce jeune réalisateur argentin quadragénaire !
Quand on lui demande où il a puisé son inspiration, il avoue que tel le Toto de Cinema Paradiso, il a passé son enfance enfermé dans les cabines de projection. La Dolce Vita a été une révélation et l’a persuadé que le cinéma serait sa voie. Bien lui en a pris. Audacieux et intrépide, Marcos Carnevale se lance dans une correspondance assidue avec Federico Fellini. Il entretiendrait une longue relation épistolaire sans jamais rencontrer le cinéaste italien.
Même si le récit de Elsa y Fred paraît improbable, il rappelle que nous nourrissons tous des rêves enfouis et qu’il n’est jamais trop tard pour les vivre. Pour les non initiés au cinéma et au théâtre hispanophones, précisons que les deux rôles principaux sont interprétés par deux grandes vedettes. Elsa a les traits de l’Uruguayenne China Zorrilla, née en 1922, et que les Français ont déjà pu voir en 2006 dans Conversaciones con Mama, et Fred est campé par le Madrilène Manuel Alexandre, né en 1917 et qui a tourné dans plus de 200 films.
Cette histoire d’amour tardif est d’autant plus réussie que le film traite le sujet, d’ailleurs souvent oublié du septième art, avec enthousiasme, humour et gaieté. L’interprétation du duo d’acteurs contribue à générer un enthousiasme tout au long du film, très communicatif puisqu’on ressort de la séance l’esprit joyeux et léger. Le titre original Elsa y Fred fait référence à Ginger et Fred de Federico Fellini, un film sorti en 1985, qui conte les retrouvailles d’un couple de music-hall, interprété par deux des acteurs fétiches du cinéaste, devenus sexagénaires, Giulietta Masina et Marcello Mastroianni.
On l’aura donc compris : outre l’hommage rendu à l’éternelle jeunesse d’esprit et à la capacité de s’amouracher à tout âge, Marcos Carnevale avoue fièrement sa fascination pour le Maestro du cinéma italien. Un régal à savourer sans modération !
F.-E. Houchi-Pillet

Das Leben der Anderen


(La vie des autres), de Florian Henckel von Donnersmarck, avec Thomas Thieme, Martina Gedeck. Allemagne, 2006.

Au début des années 1980, en Allemagne de l’Est, l’auteur à succès Georges Dreyman et sa compagne, l’actrice Christa-Maria Sieland, sont considérés comme faisant partie de l’élite des intellectuels de l’Etat communiste, même si, secrètement, ils n’adhèrent pas aux idées du parti. Mais il faut bien retourner sa veste pour supporter l’oppression qu’impose la Stasi. Le Ministère de la Culture commence à s’intéresser à Christa et dépêche un agent secret, nommé Wiesler, ayant pour mission de l’observer. La mise sous observation implique toute une panoplie de moyens pour soit-disant révéler la vraie personnalité de l’actrice : enregistrements, mise sur écoute, filatures, fouilles d’appartement. Tandis que l’agent progresse dans son enquête, il est de plus en plus fasciné par ce couple d’intellectuels.
Le réalisateur a puisé dans l’émotion qu’il a ressentie étant enfant lorsqu’il passait la frontière entre Berlin-est et Berlin-ouest avec ses parents pour retranscrire cette période noire du Mur de la Honte. A l’heure où l’on érige de nouveaux murs pour diviser au lieu de réunir, ce film est d’autant plus marquant. Très documenté aussi, et pour cause : le réalisateur a mené d’importantes recherches pour rendre son film plus réel, plus crédible. Il s’est rendu dans différents endroits où l’empreinte du passé reste marquée, comme le Musée Hohenschönhausen ou l’ancien ministère de la Sécurité d’Etat, devenu aujourd’hui l’Agence de Recherche et du Musée de la Normannenstras-se, ou encore le Bureau Birthler et ses archives. Le moindre détail est donc d’une véracité troublante. Toujours par souci d’authenticité, le cinéaste s’est entretenu avec de nombreuses personnes ayant joué un rôle à l’époque : le lieutenant-colonel de la Stasi Wolfgang Schmidt, directeur du groupe d’évaluation et de contrôle du "HA XX", des prostituées de la Stasi, des personnes qui ont été enfermés dans un centre de détention de la Stasi. Pour parachever cette quête de vérité, le tournage a eu lieu dans les endroits mêmes où se sont déroulé les faits, dans les locaux du QG de la Stasi.

A l’heure actuelle, Das Leben der Anderen est le seul film qui ait obtenu l’autorisation d’être tourné dans ces lieux historiques. Pour celles et ceux qui auraient encore quelque réticence à aller assister à cette projection, précisons que ce film sombre où les dialogues priment sur les actions pique très rapidement les spectateurs au vif. On se passionne pour les sentiments de Gerd, l’agent de la Stasi, de son zèle aux questions qu’il se pose. Chaque instant du film apporte son lot de surprises et de petites révolutions. D’ailleurs, les festivals ne s’y sont pas trompés : Prix du Public à Locarno 2006, Prix du Meilleur Film et du Meilleur Acteur à l’European Film Awards, meilleure mise en scène lors des German Awards, mais encore du meilleur acteur, du meilleur second rôle masculin, de la meilleure photo, des meilleurs décors et du meilleur scénario ; Prix Satyajit Ray au London Film Festival ainsi que La Clef d’Or pour la musique originale de Gabriel Yared au Festival d’Auxerre de 2006. Alors, si tout le monde est unanime, pas d’hésitation à se replonger dans l’univers glauque des « Traband » et des uniformes de l’Allemagne communiste !
F.-E. Houchi-Pillet

Miss Potter © Bac Films

Miss Potter


de Chris Noonan, avec Renée Zellweger, Ewan McGregor. Grande-Bretagne, 2006.

Dans l’Angleterre victorienne, Beatrix aurait dû se ranger à la bienséance qui convenait aux jeunes filles : rêver d’un beau mariage avec un parti de bonne condition. Seulement, la jeune femme, pleine de talents et d’esprit curieux, s’intéressait à beaucoup trop de choses. La nature et les animaux la fascinaient, tout comme les sciences, le dessin et la peinture. Peu soutenue par ses parents, elle s’obstine, dessine, écrit des histoires pour enfants qu’elle illustre, et finit par faire la rencontre d’un éditeur, frère de sa meilleure amie. Il lui décroche un contrat et la gloire lui sourit enfin.
Elle a racheté les immenses paysages de la campagne anglaise qui l’ont inspirée pour en faire don aux générations futures, et aujourd’hui ses livres se vendent toujours autant, mais au-delà de son oeuvre, Beatrix Potter était une femme exceptionnelle, aussi avant-gardiste qu’imaginative, aussi fragile que puissante, et son histoire, aussi fascinante qu’incroyable, est magnifiquement révélée par ce film et merveilleusement interprétée par Renée Zellweger.
Miss Potter saura captiver petits et grands – les petits, car le réalisateur a judicieusement inséré des scènes de dessins de Beatrix Potter qui s’animent au gré de l’imagination de la créatrice. Ces saynètes agrémentent de manière ludique et joyeuse le récit ; les grands car le personnage de Beatrix Potter fascine par son côté précurseur. Alors qu’elle vit à une époque où les femmes n’ont pas leur place dans le monde du travail, Beatrix Potter a été un précurseur dans leur émancipation, en publiant elle-même ses œuvres, affichant presque un côté féministe avant l’heure.
Ce biopic se révèle être le film idéal pour une sortie en famille.
F.-E. Houchi-Pillet