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A Lausanne
Lausanne : LUFF pas ouf

Du 15 au 19 octobre se tient la 7e édition du LUFF, pour le plus grand plaisir des grands et des jeunes.

Article mis en ligne le octobre 2008
dernière modification le 21 octobre 2008

par Frank DAYEN

Du 15 au 19 octobre se tient la 7e édition du LUFF, pour le plus grand plaisir des grands et des jeunes. Au programme : la Beat generation (Kerouac, Burroughs…), le cinéma japonais du grand Shuji Terayama et celui, post-mortem, de Tsurisaki Kiyotaka. Mais aussi le New York underground de Richard Kern, les hérétiques du cinéma québécois (Labrecque, Miron, Lemieux), les perles de l’archiviste fou Dennis Nyback, et un hommage au Suisse Albert Hofmann, papa du LSD.

LUFF, quatre lettres douces à prononcer, un bol d’air dans la programmation mainstream des multiplexes suisses romands. Désormais subventionnée par l’Office Fédéral de la Culture (cf. notre numéro d’octobre 2007), l’association a gagné en crédibilité. Du coup, deux nouveaux lieux prennent part à la manifestation cette année : les salles de l’Oblò et du Romandie. La première, fidèle à sa programmation, projette des films d’auteur et des courts-métrages (expérimentaux et rétrospective Shuji Terayama) ; tandis que la seconde, salle de concert à l’origine, présente des films orientés musique (Get thrashed (USA, 2006) de Rick Ernst, ou Koyaanisqasti (USA, 1982) de Godfrey Reggio sur la musique en direct du DJ belge Benjamin Hubin). Les autres projections ont lieu à la Cinémathèque et au Zinéma.

Stupéfiant
Après le monde d’Andy Wahrol l’an dernier, le fil conducteur de l’édition 08 semble tourner autour des substances illicites. D’abord, honneur à la Beat generation. Hormis certains excès (le Flower Power hippie de Ginsberg, les substances de toute sorte, ou William Burroughs qui, ivre, tue sa femme en imitant Guillaume Tell), les Beatniks ont su réinventer un langage affranchi de toute normativité : les cut-up de Burroughs, l’écriture hallucinatoire de Ginsberg (qui rédige Kaddish, pour sa mère, sous amphétamines), la prose spontanée du mythique "Sur la Route" de Kerouac… Autant de découvertes sur la forme (et, partant, le contenu) du texte qui contaminèrent logiquement le 7e art. D’ailleurs, Cronenberg adapte Le Festin nu de Burroughs en 1991, Coppola vient tout juste de tourner On the Road. Le LUFF montre deux courts-métrages rares de Burroughs, ainsi que des films beat : Robert Frank, Ron Rice, Guns of the trees (USA, 1962) de Jonas Mekas, et même Shadows (USA, 1959) de Cassavetes.
On trace aussi les stupéfiants dans la compétition internationale : Bad biology (USA, 2008) de Frank Henenlotter, Dirty habit (USA, 2007) de Bryan Root… Surtout, le LUFF rend hommage au chimiste suisse Albert Hofmann, disparu le 29 avril dernier à 102 ans. C’est lui qui, en 1938, synthétisa le Lysergesäurediethylamid (lisez LSD), pour la pharma Sandoz. Le documentaire Hofmann’s potion (2002) rappelle l’histoire de cette drogue et ses bienfaits. S’ensuivent, curiosités, des courts-métrages éducatifs de propagande anti-drogue à l’intention de la jeunesse américaine des années 60.

Klaus Kinsky et Arielle Dombasle dans « Les fruits de la passion » (1981) de Shuji Terayama

Cinéma contestataire
La drogue n’est pas le seul moyen pour contester le conformisme mondialisant. Deux photographes-réalisateurs sont sanctifiés par le LUFF. D’abord le New-yorkais Richard Kern, figure du cinéma de transgression (tendance punk), pourfendeur de l’Amérique conservatrice des années 80, dont le but a toujours été de choquer son audience (interdit donc aux moins de 18 ans). Ensuite, le Japonais Tsurisaki Kiyotaka, connu pour ses œuvres macabres 100% pure réalité (interdit aux moins de 18 ans également donc). Obsédé par la mort, cet ancien journaliste de guerre tourne des images de reportage crues, froides, dépouillées de tout commentaire, explique Julien Bodivit, directeur artistique du LUFF. Son approche frontale, clinique même, peut heurter, car elle ne fait pas l’objet d’un traitement comme au journal télévisé. Tsurisaki s’interroge sur les raisons qui poussent son pays - et l’Occident - à refouler la mort, alors qu’elle est constitutuve de la vie de tous les jours des pays d’Amérique latine ou de l’Inde.

Moins de bruit, plus de fureur
La présence de Tsurisaki au LUFF est aussi dûe à un autre événement de taille : la venue des Japonais Corrupted, dans lequel le réalisateur intervient en tant que DJ. De nombreux programmateurs de musique nous sollicitent ces jours, fait remarquer Bodivit, pour savoir comment nous nous y sommes pris pour que ce groupe accepte de jouer au LUFF. Il faut dire que depuis 10 ans Corrupted ne s’est pas produit en dehors du Japon !
Enfin, la programmation musicale se veut cette année moins noise (entendez bruit), plus conventionnelle, lâche Bodivit, avant de se raviser… Plus mélodique. Par exemple, Jean-Jacques Perrey, aujourd’hui huitantenaire, qui fut dans les années 50 le pionnier de la musique pop électronique. C’est Edith Piaf, avec qui il joua à l’époque, qui, en le recommandant à un producteur new-yorkais, décida sa carrière. Nous avons tous déjà entendu les mélodies de Perrey, assure Bodivit. La musique des parades à Disney World est signée Perrey. Quand on vous disait que Disney n’est pas incompatible avec le LUFF !

Frank Dayen

Lausanne Underground Film Festival (LUFF), du 15 au 19 octobre :
www.luff.ch