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Lausanne : Cinémathèque suisse

Programme de février

Article mis en ligne le 8 février 2015

par Raymond SCHOLER

La Nouvelle Nouvelle Vague
Disons-le d’emblée et clairement : j’ai beaucoup de problèmes avec le jeune cinéma français. Ses mises en scène approximatives, ses acteurs qui ont décidé qu’articuler est un crime contre nature, ses ressassements éculés du désarroi de la jeunesse, son nombrilisme qui met quelqu’un comme Vincent Macaigne au centre d’un univers autogéré à la « Gardarem lou cinéma ! », tout cela me fait regretter l’ancienne Nouvelle Vague (Truffaut, Rohmer, Chabrol), qui avait au moins la fierté et l’humilité de se référer à la littérature. J’avoue que j’ai plus de sympathie pour les idioties d’Apatow, Feig et consorts que pour les frasques soi-disant libératrices d’anarchisants Franchouillards. Le menu que je vous propose est donc issu d’une compulsion de la presse spécialisée.

Sandrine Kiberlain, François Damiens et Isabelle Huppert dans « Tip Top »

Tout est pardonné (2007) de Mia Hansen-Løve (sur une relation père-fille disloquée) semble digne d’intérêt, quand bien même son panégyrique du garage rock, Eden (2014), fut d’un ennui sidéral. Ajoutons encore Donoma (2010) de Djinn Carrénard, un film choral avec des histoires d’amour à première vue originales, Rengaine (2012) de Rachid Djaïdani, sur le racisme intercommunautaire, Orléans (2012) de Virgil Vernier, qui explore, sur fond de Fêtes de Jeanne d’Arc, la vie et les rêves de deux jeunes strip-teaseuses, et Les Apaches (2013) de Thierry de Peretti, qui saborde l’image d’Épinal de la Corse pour en scruter l’envers nocturne et interlope, où cinq ados, désabusés par une consommation effrénée de sexe, drogue et porno dure, commettent un larcin qui va s’avérer délétère. Je peux également vous conseiller le seul film du programme que j’aie vu, Tip Top (2013) de Serge Bozon : on y voit Isabelle Huppert et Sandrine Kiberlain en inspectrices enquêtant, dans une France provinciale aux trognes improbables, sur la mort d’un indic, le tout dans un style qui revendique haut la main un droit inaliénable au burlesque et au délire.

Hal Ashby
Hal Ashby, monteur remarqué sur The Loved One (Tony Richardson, 1965), The Russians are Coming, the Russians are Coming (Norman Jewison, 1966) et In the Heat of the Night (Norman Jewison, 1967), passe à la réalisation avec The Landlord (1970) : le film nous raconte comment un fils de riche qui, s’étant acheté un immeuble à Brooklyn pour le faire raser et construire sa demeure de luxe, commence à trouver ses locataires pouilleux sympathiques et décide de rénover au lieu d’abattre. Le ton est donné, le bord est choisi. Peu de gens ont vu ce film. Le deuxième, Harold and Maude (1971), sur l’amitié roborative entre une octogénaire et un puceau attardé, peu de gens (de mon âge) ne l’ont pas vu.

Jack Nicholson dans « The Last Detail »

Le troisième, The Last Detail (1973) est resté dans les annales vaudoises à cause d’un de nos plus éminents critiques, qui avait expliqué le caractère du marin voleur joué par Randy Quaid (que l’officier Jack Nicholson doit convoyer en prison) par l’éducation calviniste de celui-ci, alors qu’il avait simplement fréquenté le lycée Calvin Coolidge. Shampoo (1975), où Warren Beatty coiffe et courtise les célébrités de Beverly Hills, Bound for Glory (1976), le biopic sur Woody Guthrie, Coming Home (1978), sur les survivants du Vietnam, Being There (1979), où un jardinier, dont l’horizon intellectuel se résume à ce qu’il a vu à la télévision, devient le gourou d’hommes politiques et 8 Million Ways to Die (1986), un polar efficace, ont tous été distribués en Suisse. Les trois qui ne l’ont pas été ( Second-hand Hearts, Lookin’ to Get Out, The Slugger’s Wife ) manquent au programme, car après trois mois d’orgie « Amos Gitai », il fallait bien faire des économies.

Richard Attenborough et Carol Marsh dans « Brighton Rock »

Richard Attenborough et cinéma anglais
Avec Attenborough, même parcimonie : sur les 12 titres réalisés par le créateur de Oh ! What a Lovely War (1969), on ne verra que Gandhi (1982), A Chorus Line (1985), Cry Freedom (1987), Chaplin (1992) et Shadowlands (1993). Du moins, cet hommage nous permettra-t-il de voir Brighton Rock (1947) de John Boulting, d’après Graham Greene, où l’acteur Attenborough incarne le truand Pinkie Brown. C’est le seul film de Boulting avec The Magic Box (1951) à être montré par la Cinémathèque depuis quarante ans. C’est dire dans quelle estime l’institution tient le cinéma anglais !

Marie Gomez et Burt Lancaster dans « The Professionals »

Raretés
Une rareté absolue, Tcheriomouchki (1963), un musical soviétique de Guerbert Rappaport, basé sur une opérette de Chostakovitch et qui a remporté un succès sans précédent dans son pays, nous est proposé dans le cadre « L’architecture à l’écran ». Revoir The Professionals (Richard Brooks, 1966) en 35 mm, doit ressembler à une excursion au paradis. Regarder l’aplomb légendaire de B. Lancaster et de L. Marvin, tueurs sans états d’âme, mais hautement moraux, recrutés par un riche éleveur pour récupérer sa femme enlevée par un brigand, est un des grands plaisirs de l’existence.

Raymond Scholer