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Films de juillet 2007

Commentaires sur les films : Euphoria - Irina Palm - Love (et ses petits désastres) - Cantique pour Argyris - Away from her - Dialogues avec mon jardinier.

Article mis en ligne le juillet 2007
dernière modification le 4 mars 2012

par Firouz Elisabeth PILLET

Cantique pour Argyris


de Stefan Haupt, de Charalambos Giagkou, Gabriele Heinecke, Eberhard Rondholz. Suisse, 2007.

A l’âge de quatre ans, en 1944, Argyris Sfountouris a assisté avec ses sœurs à un massacre brutal perpétré par les forces occupantes allemandes ; il a perdu alors ses parents et plus de 30 membres de sa famille. La grand-mère n’a pas les moyens d’entretenir tous ses petits-enfants survivants. Argyris est alors exilé en Suisse, dans le village pour enfants de Pestalozzi où il poursuit sa scolarité obligatoire, puis universitaire, se montrant un élément exemplaire pour sa terre d’accueil. Toute sa vie, Argyris puisera en lui la force nécessaire pour surmonter ce traumatisme. Mais la mémoire n’oubliera rien. Au contraire !

« Cantique pour Argyris » de Stefan Haupt

Ce documentaire présente ainsi la vie d’Argyris, qui obtiendra entre autres un doctorat à l’Ecole Polytechnique de Zurich. Calme, serein, lucide, mélancolique, Argyris commente le périple du cinéaste qui l’aide à remonter le temps jusqu’à ce jour fatidique. Ses sœurs apparaissent tout à tour devant la caméra, ainsi que d’autres parents survivants qui décrivent, dans la dignité et la pudeur, les horreurs des exactions commises par les Allemands sur des populations civiles inoffensives.
Le réalisateur a su conserver la juste distance pour permettre aux confidences de se faire, aux souvenirs de ressurgir sans pour autant raviver les blessures et sombrer dans le voyeurisme. Le spectateur se laisse porter par les propos émouvants d’Argyris qui a su, en luttant durant toute sa vie, surmonter cette folie meurtrière qui a assassiné son enfance. En toute simplicité, il avoue que le seul écueil de sa vie a été son incapacité à aimer, se laisser aimer et fonder une famille puisque ce massacre lui en a ôté tout espoir. Un documentaire captivant et parfaitement mené qui donne à méditer.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet

Euphoria


de Yvan Vyrypaev. Russie, 2006.

Tous deux ne se sont vus qu’une seule fois dans le passé au cours d’un mariage arrosé, leurs regards se sont croisés. Un sentiment subit qu’ils n’avaient jamais connu, quelque chose qu’ils ne parviennent pas à comprendre ni à maîtriser. Maintenant ils ne peuvent ni vivre ni respirer l’un sans l’autre. Pourtant, elle vit avec son mari jaloux et possessif. Elle est jeune et belle. Ils ont une petite fille et un chien fou. Lui, il vit là. Il a les cheveux raides comme de l’herbe et fous comme le vent, qui trônent sur des yeux bleus insondables. Ni l’un ni l’autre ne savent que faire, où aller, s’il faut se laisser porter et envahir par ce sentiment fou. Le mari, lui, ne doute pas. Il sait quoi faire quand le chien fou mord le doigt de l’enfant… Il l’ampute. Mais que fait-on quand l’épouse quitte la maison pour de bon ? Que fait-on quand elle vous abandonne pour un autre homme ? A cette question, le mari a aussi une réponse. Et sous le soleil impitoyable, dans cette nature à la fois inhospitalière et nourricière, une barque glisse sur les profondeurs du fleuve en crue. L’un et l’autre sont dans la barque, étendus, nus. Ils voguent vers l’éternité de l’amour, de leur amour.

« Euphoria » de Yvan Vyrypaev

La caméra est magnifiquement maîtrisée, accompagnant le duo d’acteurs dans sa quête d’absolu, tantôt folle dans la passion dévastatrice, tantôt paisible le temps de retrouver son point d’ancrage dans la terre. La simplicité expressive de ce premier film de Vyrypaev met en évidence toutes les nuances de la Toundra. Pour son premier long métrage, le cinéaste a osé un sujet difficile, peut-être parce que les défis le connaissent : il est un dramaturge de renom en ses terres. La musique, dont le rythme semble entraîner dans un vertige séduisant tant les deux acteurs que les spectateurs, souligne ce conte d’amour cruel, dont les tonalités dramatiques envoûtent. Ce nouveau nom du cinéma russe est impérativement à retenir.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet

Irina Palm


de Sam Garbarski, avec Marianne Faithfull, Miki Manojlovic. Angleterre, 2007.

Maggie, une veuve dans la cinquantaine, cherche désespérément de l’argent pour payer un ultime traitement à son petit-fils mourant. Après une énième tentative infructueuse avec la vente de sa maison, Maggie erre dans les rues de Soho, à Londres. Elle s’arrête devant le "Sexy World" où une affiche indique : "Cherchons hôtesse". Trop désespérée et perdue pour se rendre compte de ce qu’elle fait, elle entre. Miki, le patron, n’en croit pas ses yeux mais intrigué par Maggie et amusé par la situation, il lui propose un job. Sous le pseudonyme d’Irina Palm, Maggie s’applique pour ne pas perdre son job. Le succès ne tarde pas à arriver et le voyage de l’espoir auprès de médecins australiens peut enfin avoir lieu.

« Irina Palm » de Sam Garbarski

Très remarquée lors de sa présentation, en compétition, au 57e Festival de Berlin en 2007, la prestation de Marianne Faithfull a été très appréciée par les festivaliers, mais malheureusement pas par les membres du jury. Rappelons que cette actrice affiche une carrière impressionnante sur les planches et qu’elle a été l’égérie de groupes rock des années sixties. Le film, initialement écrit en français, n’a intéressé aucun producteur. Le cinéaste belge s’est résolu à le traduire pour susciter de l’intérêt chez les Anglo-saxons, bien lui en a pris. Malgré un sujet qui, a priori, pourrait semble scabreux, le cinéaste a d’emblée afficher sa volonté de faire un film social, dans le genre d’un Ken Loach, et non un film pornographique. Pour ceux qui espèrent voir Irina Palm à l’ouvrage, point d’espoir. L’accent est mis sur la dimension humaine et psychologique des divers personnages, avec leurs failles, leurs écueils, leurs qualités. Le cinéaste dépeint ainsi son héroïne : « Maggie est une femme simple, bonne et généreuse. Elle n’a pas eu beaucoup d’éducation et peu d’occasions de voyager. Elle a épousé son amour de jeunesse et lui est restée fidèle même après sa mort. Maggie n’aurait même jamais imaginé que ce genre de job pouvait exister ! Elle accepte de le faire parce qu’elle ne voit aucune autre solution mais aussi parce qu’elle est un peu naïve. Dans son esprit, elle est simplement en train de faire un travail pour payer le traitement de son petit-fils Olly. Ensuite elle ne peut plus échapper à la situation dans laquelle elle se trouve, à cause du deal qu’elle conclu avec son proxénète. »
Un tel rôle rend un bel hommage à une actrice dont la carrière cinématographique a été chaotique car les gens du milieu l’oublient. Cependant, on a pu la voir récemment dans Intimité de Patrice Chéreau et Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Les bons cinéastes ne s’y sont pas trompés, et le film de Garbarski ne vient pas le démentir. On se laisse rapidement entraîner sur les pas de cette grand-mère dévouée et altruiste.
Fayrouz-E. Houchi-Pillet

Love (et ses petits désastres)


de Alek Keshishian, avec Brittany Murphy, Matthew Rhys.

Emily Jackson, Jacks pour les intimes, est une jeune fashionista américaine de 27 ans qui travaille en tant qu’assistante à la rédaction du Vogue à Londres. A ses côtés, ses meilleurs amis de toujours : Peter, son colocataire gay, et Tallulah, croqueuse d’hommes névrosée, deux amis fidèles auprès desquels Jacks passe son temps à jouer les conseillère et entremetteuse. On voit toujours mieux ce qui se passe chez les autres que chez soi. Romantiques et exigeants, tous rêvent de la parfaite love story comme dans les films. Mais voilà, pour l’instant leur vie sentimentale peut être qualifiée en un seul mot : désastre !

« Love (et ses petits désastres) » de Alek Keshishian
© Collection AlloCiné

Il faut reconnaître que ce thème universel a fortement inspiré Alek Keshishian puisque, pour ce troisième long métrage après treize ans d’absence, il signe l’écriture, la réalisation et la production. Pour le cinéaste, la comédie romantique est un reflet de la façon dont on envisage l’amour. Le réalisateur précise que les comédies romantiques entretiennent une sorte d’idéal, que les studios hollywoodiens ne cessent d’exploiter tant à travers leurs productions qu’à travers la médiatisation outrancière des idylles de stars. Rassurez-vous, ce film n’a rien à voir à avec cette tendance horripilante, au contraire ! L’histoire de Love (et ses petits désastres) se situe dans le milieu de la mode, et Keshishian ne se gêne pas pour égratigner la superficialité de cet univers. Le film s’en prend également à l’Art contemporain. Le réalisateur explique cette volonté de se moquer par le fait qu’il éprouve des sentiments mitigés vis-à-vis de ces deux univers, sentiment qui sera partagé par nombre de cinéphiles qui se régaleront de répliques savoureuses, allusives, toujours bien servies. Il faut reconnaître que son séjour à Londres lui a facilité la tâche en lui fournissant une source d’inspiration intarissable. C’est pourquoi ce film américain se déroule à Spitalfields Market, à l’Est de Londres.
Love (et ses petits désastres) fait directement référence à Diamants sur canapé de Blake Edwards. A l’époque, les studios avaient trahi les intentions du réalisateur en supprimant l’amitié qu’entretenait un homosexuel avec Holly Golightly. Keshishian a choisi de restituer l’esprit du roman de Truman Capote. Pour symboliser les méandres imprévisibles de l’amour, le cinéaste sert une fin surprenante qui ravira plus d’un/e. La musique parfait ce petit bijou puisqu’elle n’est pas sans rappeler la musique de Nino Rota dans Huit et demi de Federico Fellini. Un vrai concentré de bonheur sans être sirupeux !
Fayrouz-Elisabeth Houchi-Pillet

Dialogue avec mon jardinier


de Jean Becker, avec Daniel Auteuil, Jean-Pierre Darroussin. France, 2007.

Ayant acquis une honnête réputation de peintre parisien, un quinquagénaire retourne aux sources et revient dans le centre de la France profonde prendre possession de la maison parentale. Tout est à remettre en état, y compris un vaste terrain où les herbes folles foisonnent. N’ayant ni le goût, ni le talent d’entretenir, le peintre passe une annonce pour trouver un jardinier du cru. Le premier candidat (qui sera le bon) est un ancien complice de la communale, perdu de vue et ainsi miraculeusement retrouvé. Le côtoyant au long des jours, le peintre découvre par touches impressionnistes un homme qui d’abord l’intrigue puis l’émerveille par la franchise et la simplicité de son regard sur le monde... Ses réflexions simples et pleines de bon sens et de sagesse populaire font rapidement mouche auprès du peintre qui les sert aux mondains prétentieux des milieux bourgeois de la capitale.

« Dialogues avec mon jardinier » de Jean Becker

Adaptation cinématographique du roman éponyme d’Henri Cueco, le film de Becker donne du relief au personnage du peintre qui restait secondaire dans le roman. Le cinéaste avoue avoir abondamment recouru aux dialogues du roman, d’où le fait que le romancier soit crédité au générique du film. Initialement destiné à Jacques Villeret pour sa douceur et sa gentillesse, selon Becker, le rôle du jardinier a été brillamment interprété par Daroussin. La complicité qui s’est établie sur le tournage entre les deux comédiens est palpable et a perduré à la ville au-delà du tournage.
Se remémorant leurs souvenirs de blagues de potaches, philosophant sur les citrouilles, les groseilles, les laitues, la vie, l’amour, la mort, le peintre et le jardinier renouent une amitié d’adolescence fraternelle, retrouvant l’intensité des couleurs de la nature et de la vie. Les discussions sur la pluie et le beau temps entre ces deux artistes, faites de sincérité et de simplicité, offrent un bel exemple d’amitié authentique et sincère.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet

Away from her


(Loin d’elle), de Sarah Polley, avec Julie Christie, Gordon Pinsent. Canada, 2007.

Fiona et Grant sont mariés depuis 45 ans, ils ont surmonté les épreuves, l’usure du temps, les doutes et les moments à vide, et sont parvenus à éviter de laisser s’immiscer la routine dans leur couple ; ils s’aiment tendrement. Pourtant, Fiona a des pertes de mémoire de plus en plus fréquentes. Apprenant qu’elle souffre de la maladie d’Alzheimer, elle se documente et décide de se faire admettre en maison spécialisée. Grant ne sait comment gérer cette séparation, rongé par la culpabilité. Impuissant, il regarde Fiona s’éloigner de lui et tomber amoureuse d’un autre patient. Grant arrivera-t-il à gérer la situation et ses sentiments ? Peu à peu, il devient observateur d’une situation qui lui échappe de plus en plus.
Pour son premier long métrage, l’actrice canadienne – déjà auteur de quatre courts-métrages –, s’attaque à un thème délicat, quasiment jamais abordé au cinéma : la maladie d’Alzheimer (sujet auquel s’est intéressée une autre actrice-réalisatrice, Zabou Breitman dans Se souvenir des belles choses). A la différence de la réalisatrice française, Sarah Polley traite le sujet avec quelques inexactitudes dans l’approche de certains comportements, et laisse planer une certaine ambiguïté quant à la véracité des troubles de Fiona. Perd-elle réellement la mémoire et fait-elle payer le prix cher à son mari pour ses infidélités passées ?

« Away from her / Loin d’elle » de Sarah Polley
© Collection AlloCiné

Loin d’elle est l’adaptation d’une nouvelle, parue dans Le New-Yorker, de l’écrivain Alice Munro, originaire, comme Sarah Polley, de l’Ontario. C’est donc à juste titre que Loin d’elle a été tourné dans l’Ontario, sur les bords du Lake of Bays, près de Bracebridge, sous une température de -33°C ; l’ambiance toute particulière du film, enneigée, et donc dénuée de toute intensité visuelle, reflète parfaitement la déliquescence des sentiments et des certitudes. Selon les dires du chef-opérateur Luc Montpellier, « les extérieurs sont essentiels pour comprendre les personnages et l’existence que nous leur avons bâtie ».
Tous les acteurs, mais tout particulièrement le quatuor des deux patients et de leurs époux respectifs, sont émouvants dans leur interprétation. Seule ombre au tableau : cette ambiguïté voulue par la réalisatrice qui nuit au propos du film.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet