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Films d’octobre 2008

Commentaires sur : Le Silence de Lorna - Inju, la bête dans l’ombre - Parlez-moi de la pluie - Then She Found Me.

Article mis en ligne le octobre 2008
dernière modification le 23 mai 2012

par Firouz Elisabeth PILLET

Le Silence de Lorna


de Luc et Jean-Pierre Dardenne, avec Arta Dobroshi, Jérémie Renier. Belgique, 2008.

Afin de devenir propriétaire d’un snack avec son amoureux Sokol, Lorna, jeune femme albanaise vivant en Belgique, est devenue la complice de la machination de Fabio, un homme du milieu. Fabio lui a organisé un faux mariage avec Claudy, un ressortissant belge toxicomane, pour qu’elle obtienne la nationalité belge et épouse ensuite un mafieux russe prêt à payer beaucoup pour devenir belge. Pour que ce deuxième mariage se fasse rapidement, Fabio a prévu de tuer Claudy « par overdose ». Lorna gardera-t-elle le silence ?
Habitués du Festival de Cannes, où ils ont déjà obtenu deux Palmes d’Or (Rosetta en 2003, L’Enfant en 2005), Jean-Pierre et Luc Dardenne ont de nouveau été en compétition pour Le Silence de Lorna. Ils sont repartis de la Croisette auréolés du Prix du Scénario. Le jury était présidé par Sean Penn. Lors de la conférence de presse cannoise, Jean-Pierre Dardenne précisait : Ce qui nous a intéressés, c’est de raconter l’histoire d’êtres humains, en Europe occidentale, qui viennent d’ailleurs, Lorna principalement et Sokol, et comment ils arrivent – par des manières qu’on ne peut pas saluer – à obtenir ce qu’ils pensent être leur part de bonheur. Nous avons voulu que cette Lorna reste un être humain, avec sa part d’ombre, ses paradoxes et son silence. Mais c’est un beau silence, car il va, si je puis dire, accoucher de quelque chose... Ce film est inspiré d’un fait divers qui a été raconté, comme ils l’avaient indiqué lors de leur précédente venue à Genève pour la sortie de L’Enfant.

« Le silence de Lorna » de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Les Dardenne aiment découvrir et révéler au grand jour de jeunes talents prometteurs, comme Jérémie Renier, Emilie Dequenne, Débora François, qui ont fait une belle carrière depuis. Arta Dobroshi, comédienne née en 1979 à Pristina, est la nouvelle découverte des frères Dardenne. Les réalisateurs se souviennent : Un de nos assistants est allé faire un casting d’une centaine de jeunes femmes actrices professionnelles et non-professionnelles à Pristina, Skopje et Tirana. Parmi celles-ci, nous avons retenu Arta Dobroshi. Nous l’avions déjà vue quelques semaines plus tôt dans deux films albanais. Nous sommes allés la rencontrer où elle vit, à Sarajevo, et durant une journée, nous l’avons filmée avec notre caméra DV : marchant, courant, chantant et dans des scènes proches de celles du film. Ensuite, elle est venue à Liège et nous l’avons filmée jouant avec Jérémie Renier et Fabrizio Rongione. Elle était merveilleuse, simple et belle. Le soir, avant qu’elle ne reprenne l’avion pour Sarajevo, nous lui avons dit que c’était elle qui interpréterait le rôle de Lorna, qu’elle devrait revenir quelques mois avant le tournage pour répéter et apprendre le français. 
Effectivement, la jeune actrice a fait montre de beaucoup de persévérance, apprenant assidûment à s’exprimer en français pendant les deux mois qui ont précédé le tournage.
Même si les inconditionnels des frères Dardenne retrouveront dans Le Silence de Lorna les thèmes habituels du cinéma des Dardenne, leur manière de filmer a évolué. Les cinéastes reviennent sur le choix du format : Nous avons fait des essais avec 5 caméras numériques, une 35 mm et une super 16 mm. Ce sont les images tournées de nuit avec la 35 mm qui étaient les plus proches de ce que nous cherchions. Par ailleurs, nous avions décidé que, pour ce film, notre caméra bougerait moins, écrirait moins, serait plus là pour enregistrer. Le poids de la 35 mm, sa plus grande inertie étaient dès lors intéressants pour notre film.
Autre petit changement dans l’univers des Dardenne : contrairement aux précédents films, l’action du Silence de Lorna ne se situe pas à Seraing, la ville de leur enfance, mais à Liège... Nous nous sommes déplacés de 10 km, confient les frères. C’est vrai que Liège est une plus grande ville avec beaucoup de monde dans les rues la journée comme le soir. Pour Lorna arrivant d’Albanie, une grande ville d’Europe représente toutes les espérances. Nous voulions aussi voir Lorna parmi la foule, parmi les gens, physiquement proches d’elle mais ignorant tout de son secret. Enfin, différence notoire par rapport aux films précédents, toujours très sombres : Le Silence de Lorna laisse transparaître une lueur d’espoir et d’optimisme avec la séquence finale ouverte sur l’avenir. Cette différence peut-être réside-t-elle dans le fait que, contrairement à leurs films précédents, celui-ci est porté par une seule actrice, Arta Dobroshi, autour de laquelle gravitent les autres acteurs. A voir un jour de bonne humeur.
Firouz-Elisabeth Pillet

Inju, la bête dans l’ombre


de Barbet Schrœder, avec Benoît Magimel, Lika Minamoto, Shun Sugata. France, 2007.

Débarqué au Japon pour la promotion de son nouveau roman, Alex Fayard rencontre une geisha, Tamao, menacée de mort par un ancien amant. En acceptant de l’aider, il se plonge dans une véritable enquête policière aux accents littéraires et se retrouve face à Shundei Oe, l’auteur de livres policiers dont il est le spécialiste français. Dès lors, il plonge dans un monde de mystère et de perversité, sur les traces d’un homme assoiffé de vengeance. D’un homme ou d’une femme ?
Présenté lors de la Mostra de Venise, 2008, Inju illustre la passion de Barbet Schroeder pour la culture nippone. Le réalisateur a tenu à ce que la quasi-totalité de l’équipe – une centaine de personnes – soit japonaise, aussi bien devant la caméra (les exceptions se nomment Benoît Magimel et Maurice Bénichou) que derrière (seuls le chef-op’ Luciano Tovoli, l’ingénieur du son Jean-Paul Mugel et le premier assistant Olivier Jacquet ne sont pas Japonais). Le cinéaste s’était déjà immergé ainsi dans une autre culture lors du tournage de La Vierge des tueurs, dans le pays de son enfance, la Colombie. Là-bas, il avait également expérimenté le tournage à deux caméras, un dispositif qu’il a de nouveau employé pour Inju, la bête dans l’ombre.

« Inju, la bête dans l’ombre » de Barbet Schroeder
© UGC Distribution

Inju est un roman, paru en 1928, et signé Edogawa Ranpo, illustre auteur de polars japonais né en 1894 et décédé en 1965. Son nom est un hommage phonétique à Edgar Allan Poe, même si Edogawa est aussi le nom d’un quartier de Tokyo... L’œuvre de cet auteur populaire et influent est marquée par la violence, y compris sur le plan de la sexualité, et l’étrangeté. Barbet Schrœder précise que Ranpo a servi de modèle au personnage de Shundei Oe.
Ancien critique aux Cahiers du cinéma, Barbet Schroeder a également voulu, à travers Inju, rendre hommage au 7ème art : Inju est aussi un film sur le cinéma, une réflexion sur la fascination que provoque le cinéma. Le cinéaste souhaitait aussi, grâce à ce film, rétablir une image plus véridique de l’univers des geishas. Les Japonais détestent l’opinion que se font habituellement les Occidentaux de cet univers. Il importait à Schrœder de rétablir une description plus authentique de cet aspect méconnu de la société japonaise.
Autant la dimension esthétique est convaincante, autant le scénario est très prévisible, ne laissant quasiment aucune place au suspens, ôtant par là-même toute frayeur aux spectateurs. A force d’anticiper sur le déroulement du scénario, le spectateur se lasse d’un thriller qui n’est qu’une bien pâle copie de son modèle…. Dans le doute, lisez plutôt Edgar Allan Poe qui parviendra sans difficulté à vous faire trembler d’effroi.
Firouz-Elisabeth Pillet

Parlez-moi de la pluie


de et avec Agnès Jaoui, avec Jean-Pierre Bacri, Jamel Debbouze. France, 2008.

Agathe Villanova, féministe nouvellement engagée en politique, revient pour dix jours dans la maison de son enfance, dans le sud de la France, aider sa soeur Florence à ranger les affaires de leur mère, décédée il y a un an. Elle n’aime pas cette région dont elle en est partie dès qu’elle a pu. Mais les impératifs de la parité l’ont amenée ici à l’occasion des prochaines échéances électorales.
Dans cette maison vivent Florence, son mari, et ses enfants. Mais aussi Mimouna, femme de ménage que les Villanova ont ramenée avec eux d’Algérie, au moment de l’indépendance. Le fils de Mimouna, Karim, et son ami Michel Ronsard entreprennent de tourner un documentaire sur Agathe Villanova, dans le cadre d’une collection sur "les femmes qui ont réussi".
Durant un mois d’août pluvieux et gris, Agathe se prête de bonne grâce aux questions que lui soumettent Karim et son acolyte, dans une succession rocambolesque qui frise l’amateurisme. Ce n’est pas normal. Mais rien ne va se passer normalement.

« Parlez-moi de la pluie » d’Agnès Jaoui, avec Jean-Pierre Bacri et Jamel Debbouze

Parlez-moi de la pluie marque la septième collaboration de Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, couple à la ville comme à l’écran. Ils se sont déjà donné la réplique dans Cuisine et dépendances (1993), Un air de famille (1996), On connaît la chanson (1997), Le Goût des autres (2000) et Comme une image (2004), des films qu’ils ont écrits, tout comme le dyptique Smoking/No Smoking (1993), dans lequel ils ne figurent en revanche pas en tant que comédiens. Parlez-moi de la pluie est par ailleurs la troisième réalisation d’Agnès Jaoui, qui était également derrière la caméra pour Le Goût des autres et Comme une image. Depuis longtemps, le couple affichait son envie de tourner avec Jamel Debbouze et Parlez-moi de la pluie concrétise ce désir commun resté insatisfait fort longtemps. Le trio d’acteurs surprend dans un premier temps mais a tôt fait de convaincre.
Le précédent film du couple, Comme une image, était plus sombre et avait d’ailleurs signé la rupture du célèbre tandem. Avec Parlez-moi de la pluie, Jaoui et Bacri affichent leur volonté de revenir à un registre plu léger, définissant leur film comme une comédie. Le terme est certainement exagéré car, fidèles à leurs habitudes, les deux comédiens conservent une écriture scénaristique très analytique, laquelle est devenue en quelque sorte leur fonds de commerce au fil des ans et des créations.
Il ne vous reste plus qu’à vous allonger sur leur divan…
Firouz-Elisabeth Pillet

Then She found me


(Une histoire de famille), de et avec Helen Hunt, Colin Firth, USA, 2005.

On savait Helen Hunt actrice, nous la découvrons réalisatrice. Rien ne va plus dans la vie d’April lorsque Ben lui annonce qu’il la quitte. A 39 ans, pour cette enseignante new-yorkaise en mal d’enfant, c’est le choc. April fait alors la connaissance de Frank, le père d’un de ses élèves, divorcé depuis peu. Juste au moment où une romance s’amorce entre eux, Ben, pris de remords, décide de renouer avec son ex-épouse. Les choses se compliquent lorsque elle perd sa mère adoptive et voit débarquer une certaine Bernice, exubérante animatrice d’un talk-show télévisé qui prétend être sa mère biologique. Entre test ADN, doutes existentiels, April découvre soudain que son rêve le plus tenace est en passe de se réaliser : elle est enceinte de deux mois. Coincée entre deux mères et deux hommes, April va voir sa vie à nouveau bouleversée.

« Une histoire de famille (Then She Found me) » de Helen Hunt
© SND

L’actrice, lauréate de l’oscar de la Meilleure actrice avec Pour le pire et pour le meilleur et héroïne de la série Dingue de toi, ne se contente plus de jouer la comédie, elle s’essaie aujourd’hui à la réalisation. Pour ses débuts, elle signera Then she found me, une comédie dramatique adapté du best-seller éponyme d’Elinor Lipman. Avouant humblement ne pas connaître le livre, il m’est difficile de juger de l’adaptation filmique de l’ouvrage.
Le sujet, ou plutôt, les sujets sont intéressants et toucheront nombre de spectateurs. Le traitement du sujet laisse, quant à lui, à désirer ; ne s’improvise pas réalisatrice qui veut. Opiniâtre, Helen Hunt développe ce projet depuis plus de sept ans, remaniant encore et encore le scénario du film. Il se murmure que Diane Keaton et Woody Harrelson auraient pu être de l’aventure. Au final, pour lui donner la réplique et canaliser ses angoisses existentielles, l’acteur britannique Colin Firth remplit à merveille son rôle de papa poule attentionné et romantique.
Dans Then she found me, Helen Hunt incarne April Epner, un professeur de collège à Philadelphie qui, la quarantaine sonnée, voit sa paisible vie d’enseignante bouleversée, en quelques jours particulièrement agités. Coup sur coup, son mari la quitte, sa mère adoptive meurt, et Bernice Graverman, sa génitrice, animatrice de talk-shows hystérique, reparaît dans sa vie avec la ferme intention de renouer avec celle qu’elle abandonna quarante ans auparavant. Métaphoriquement, on comprendra en filigranes qu’il s’agit bel et bien de gestation douloureuse et d’accouchement difficile mais la maïeutique concerne ici un film, et non un enfant.
Ces problématiques, fort intéressantes, ne laisseront qu’un regret : une forme peu convaincante, en proie à de nombreuses redondances et des obsessions égocentriques que l’on ne saurait pardonner qu’à Woody Allen, mais en aucun manière à sa disciple.
Firouz-Elisabeth Pillet