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Film de septembre 2010 : “The Three“

Une fois de plus, Charlotte Gainsbourg nous offre une interprétation magistrale.

Article mis en ligne le septembre 2010
dernière modification le 24 septembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

The Three


de Julie Bertucelli, avec Charlotte Gainsbourg, Marton Csokas, Morgana Davies. France/ Australie, 2010. 63e Festival de Cannes.

Dans le bush australien, Dawn et Peter vivent heureux avec leurs quatre enfants à l’ombre de leur gigantesque figuier. Peter meurt brutalement d’un infarctus ; chacun commence son deuil et s’accroche à des détails pour continuer à vivre. Alors que la mère de famille, désemparée, sombre dans une déprime dont elle sort, par sursaut, à l’appel du fils aîné, chaque enfant exprime son chagrin à sa manière. Le cadet se terre dans un mutisme inquiétant ; Simone, la petite fille de huit ans, croit que son père vit au creux du majestueux arbre. Un jour elle confie son secret à sa mère qui se rattache à cette conviction, retrouvant peu à peu goût à la vie, un travail, voire un nouvel amour… La vie reprend et chacun trouve un refuge à sa souffrance auprès de cet arbre, même le troisième fils qui exprime difficilement ses émotions. Mais l’arbre devient envahissant : ses branches, ses racines menacent la maison ; même son peuple de grenouilles et de chauves-souris attaque la maison et menace ses fondations. Alors qu’une branche morte s’abat sur sa chambre à coucher, Dawn ne parvient pas à se décider à abattre l’arbre devenu confident de tous... Mais le voisinage se fédère pour la contraindre à passer à l’acte.
En 2003, Julie Bertuccelli surprenait la Croisette avec Depuis qu’Otar est parti, qui lui valait le Prix de la Semaine de la Critique. Couronnée dans de nombreux festivals, la cinéaste remportait trois César en 2004 dont celui de la meilleure première œuvre de fiction. Sept ans plus tard, le dernier film de Bertucelli assure la clôture de la 63e édition du Festival de Cannes.

« The Tree » de Julie Bertucelli

Avec The Tree, adapté d’un roman éponyme de Judy Pascoe, Julie Bertucelli dépeint une fresque bucolique habitée par la nature saisissante, une nature qui devient un authentique protagoniste du film. Une nature magnifique, envoûtante, mise en valeur par la photographie et les sons. Une nature qui reprend peu à peu ses droits sur la civilisation imposée par les hommes. Une nature qui offre réconfort, protection, quiétude aux orphelins et à la veuve. A travers des manifestations du monde animal comme végétal, l’arbre se manifeste, convaincant de plus en plus Simone et sa maman que Peter veille sur ses proches. Autre protagoniste inattendu de ce film : le figuier, immense, imposant, majestueux, puis menaçant qui devient le confident, le protecteur, voire le complice de Dawn et Simone, témoin de ce face-à-face mère/fille des plus émouvants. Caractérisé par des racines et des branches tentaculaires, l’arbre représente le rapport à la nature, à la famille et au passé, dont la présence semble à la fois sécurisante et inquiétante, protectrice et envahissante, tandis que chacun des personnages entretient avec lui un rapport très personnel et confidentiel.

Si les manifestations de la nature, et en particulier du figuier, confèrent à The Tree des accents fantastiques, le film demeure à l’orée du genre et reste bien ancré dans la réalité pour décrire la reconstruction de Dawn et de chacun de ses quatre enfants. Charlotte Gainsbourg – impressionnante l’an dernier pour son interprétation dans Antichrist, film décrié sur la Croisette – adopte ici un registre empli de grâce, de force, de douceur et forme un duo symbiotique avec la petite Morgana Davies, révélation du film dans le rôle de Simone, une partenaire étonnamment mature dans son interprétation. La qualité de la direction de la réalisatrice offre aux personnages secondaires l’espace nécessaire pour évoluer et s’épanouir, qu’il s’agisse des trois autres enfants ou du plombier interprété par Marton Csokas (à l’affiche également dans L’Age de raison, aux côtés de Sophie Marceau). The Tree, présenté en clôture du Festival, ne concourait pas en compétition, Charlotte Gainsbourg ne pouvait donc être primée. Pourtant, son interprétation magistrale aurait dû lui valoir un prix. D’autant que depuis quelques années, l’actrice ose prendre des risques, se confrontant à de nouveau registres dans lesquels elle resplendit. Et quand le cinéma lui offre une pause, c’est dans la musique que la digne héritière de ses parents chanteurs excelle, avec son dernier album enregistré aux États-Unis, IRM.

Firouz-Elisabeth Pillet