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Film de septembre 2010 : “Lola“

Le réalisateur philippin Brillante Mendoza signe un cinéma d’une extrême poésie et d’une immense sensibilité.

Article mis en ligne le septembre 2010
dernière modification le 23 septembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Lola


de Brillante Mendoza. Philippines, 2009.

Lola Sepa a perdu son petit-fils – tué par Mateo, le petit-fils de Lola Puring, pour son portable acheté à crédit – et se met en quête d’argent pour pouvoir régler les pompes funèbres. Devant se rendre devant le juge pour la confrontation avec l’assassin de son petit-fils, elle y rencontre la grand-mère du meurtrier, une autre vieille dame philippine qui survit en vendant ses produits sur le marché. Chacune va faire un pas vers l’autre et chercher à la comprendre, dans la douleur et la misère. Ces deux grand-mères entament une lutte impossible pour sauver ce qu’il leur reste d’honneur et de famille. La caméra de Mendoza demeure impartiale, oscillant entre ces deux points de vue d’une même réalité sans inviter ses spectateurs à prendre parti. Pendant près de deux heures, ce combat de femmes meurtries dans leur chair, ignorant le poids et les maux de la vieillesse, atteste d’une lutte acharnée pour sauver l’honneur et l’amour d’un être cher.

« Lola » de Brillante Mendoza

Après ses précédentes réalisations, Serbis et Kinatay, le réalisateur philippin
poursuit sur sa lancée créatrice avec Lola, qui figurait dans la compétition de la dernière Mostra de Venise. Il signe un cinéma d’une extrême poésie et d’une immense sensibilité, à fleur de peau, toujours très affirmé et radical, quel que soit son propos. La maîtrise de sa caméra, au plus proche de ses acteurs, et sa mise en scène parfaitement contrôlée met en œuvre de petites gens qui passeraient inaperçues sans l’œil aiguisé du cinéaste. Sans jamais sombrer dans le mélodrame facile ni jouer sur la corde sensible, il sait faire mouche et émouvoir son public. Digne représentant d’un cinéma vérité de plus en plus apprécié en Occident, car dénué d’artifices et sans compromis, dès les premiers plans, Mendoza nous plonge au cœur de la jungle urbaine de Manille. Il sait décrire avec une sensibilité toute picturale des situations de prime abord banales qui prennent une dimension insoupçonnée et dramatique.

« Lola »
© Equation

S’inspirant de faits réels, Mendoza sait en extraire la substantifique moelle pour en faire des fresques sociales puissantes et émouvantes, un drame social doublé d’une leçon de vie qui transpire le très grand cinéma. Recourant avec maîtrise à la caméra à l’épaule, usant de plans séquences exemplaires, Brillante Mendoza nous immerge dans le brouhaha des rues grouillantes de Manille, où l’on suit chaque protagoniste avec une attention affectueuse. C’est bien là le savoir-faire de Mendoza qui nous rend immédiatement ses personnages attachants et familiers, tellement proches que l’on peine à s’extraire de son fauteuil une fois la séance achevée. Ce quotidien, si éloigné et en même temps si proche, nous parle, nous interpelle, comme cette émouvante et insolite procession funéraire sur des embarcations, au fil de l’eau.

« Lola »
© Equation

Chapeau bas aussi aux deux interprètes époustouflantes, Anita Linda et Rustica Carpio, plus de 160 printemps à elles deux, qui font rapidement oublier leur condition d’actrices ; elles ne jouent jamais mais elles incarnent réellement les lolas du film. Au cœur du combat de ces deux femmes meurtries, un petit billet vert qui ouvre le film, lequel se ferme d’ailleurs sur une négociation entre les deux grands-mères. Un petit billet anodin qui rappelle au public occidental que certains drames sont encore plus violents sous certaines latitudes mais le film de Mendoza prouve qu’ils peuvent être affrontés et surmontés avec dignité et courage.

Firouz-Elisabeth Pillet