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Film de septembre 2008 : “Valse avec Bachir“

Ari Folman signe là un film autobiographique

Article mis en ligne le septembre 2008
dernière modification le 23 mai 2012

par Firouz Elisabeth PILLET

Valse avec Bachir


de Ari Folman. Israël, 2008.

Valse avec Bachir est un film autobiographique. Ari Folman, metteur en scène israélien, a rendez-vous en pleine nuit dans un bar avec un ami en proie à des cauchemars récurrents, au cours desquels il se retrouve systématiquement pourchassé par une meute de 26 chiens. 26, exactement le nombre de chiens qu’il a dû tuer au cours de la guerre du Liban, au début des années 80 ! Le lendemain, Ari, pour la première fois, retrouve un souvenir de cette période de sa vie. Une image muette, lancinante : lui-même, jeune soldat, se baigne devant Beyrouth avec deux camarades. Il éprouve alors un besoin vital de découvrir la vérité à propos de cette fraction d’Histoire et de lui-même et décide, pour y parvenir, d’aller interviewer à travers le monde quelques-uns de ses anciens compagnons d’armes. Plus Ari s’enfoncera à l’intérieur de sa mémoire, plus les images oubliées referont surface.
Au dernier festival de Cannes, plusieurs films de la compétition officielle ont été désignés par la presse comme les « grands oubliés » du palmarès. Valse avec Bachir est de ceux-là. Ce dessin animé israélien doit pourtant, selon les propres dires de son réalisateur Ari Folman, sa découverte et sa distribution aux organisateurs de Cannes. Il ne serait peut-être pas diffusé aussi largement en salles s’il n’avait pas été placé sous les feux des projecteurs de la Croisette...

« Waltz wish Bashir » de Ari Folman

De quoi est-il question dans un dessin animé qui porte un nom de danse ? De la guerre. De l’atrocité de l’être humain, et de sa capacité à faire abstraction de ce qui risque de le rendre fou. Valse avec Bachir est conçu comme un reportage, Ari ayant décidé de faire le tour de ses anciens compagnons de régiment pour repeindre le tableau des massacres de Sabra et Chatila, survenus au Liban dans les années 80. Son cerveau à lui, a préféré oublier ces événements atroces.
Ce film d’animation, s’appuyant sur des dialogues entre le narrateur-réalisateur et ses comparses, à la base de la création artistique, en est ralenti, imposant un rythme particulièrement lent aux spectateurs, ce qui finit par lasser quelque peu. Par contre, Folman excelle dans la recréation des rêves ou du passé, dans les scènes reconstituées à l’aide des témoignages et de ses propres souvenirs. Dans le rêve des chiens en ouverture, dans celui des jeunes hommes qui sortent de l’eau dans la baie de Beyrouth. Dans les scènes, à la limite du clip, d’arrivée des soldats au Liban sur fond de musique rock ; et dans celle, bien entendu, de valse avec Bachir. Bachir Gemayel, président libanais assassiné en 1982, trois semaines après son élection, avant même qu’il ait pu prêter serment ; une figure qui flotte sur une partie du film, sans en faire pour autant une œuvre politique. Ari Folman raconte la guerre à hauteur humaine, et a pour ambition de décourager le spectateur de s’en resservir une rasade à la prochaine occasion.
Pari réussi car Valse avec Bachir à l’efficacité de ne pas laisser les spectateurs sortir sereins de la salle. Le rythme lancinant, la problématique, certaines images rendues moins sanguinolentes mais tout aussi atroces par le support du film d’animation, bref tous les ingrédients rondement pesés de ce film poursuivent le public bien au-delà de la salle obscure. Redoutant sans doute d’excéder dans l’esthétisant, le baroque, l’envoûtant : de peur que le public prenne goût à cette vision aseptisée de la guerre et de ses atrocités, le réalisateur lui inflige quelques minutes d’horreur pure en fin de métrage : quelques images d’archives des victimes des camps chrétiens massacrées par les phalangistes. Un excès de zèle qui a le mérite d’être redoutablement efficace. Les tympans martelés par une bande musicale issue du rock alternatif israélien, les spectateurs sortent d’une telle projection les sens anesthésiés, le temps de digérer un spectacle si poignant.

Firouz-Elisabeth Pillet