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Film de septembre 2008 : “Sagan“

Portrait de Françoise Sagan par Diane Kurys, et Sylvie Testud...

Article mis en ligne le septembre 2008
dernière modification le 23 mai 2012

par Firouz Elisabeth PILLET

Sagan


de Diane Kurys, avec Sylvie Testud, Pierre Palmade, Jeanne Balibar, Lionel Abelanski, Denis Podalydès, Arielle Dombasle. France, 2008.

Sur ce sentiment inconnu, dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse. Françoise a tout juste 18 ans quand elle écrit les premières lignes de Bonjour Tristesse, un roman dont le succès fulgurant suffira à lancer le mythe de « La Sagan ». Un mythe fait de formules brillantes, d’amours affranchies et de scandales tapageurs, derrière lesquels se cache une femme, que l’on qualifie d’anticonformiste pour ne pas la dire libre. Libre d’écrire, d’aimer, et de se détruire.
Sagan était initialement un téléfilm en deux parties de quatre-vingt-dix minutes (Un charmant petit monstre et Des bleus à l’âme) réalisé pour France 2. Au vu de sa qualité, Luc Besson, via sa société EuropaCorp, décide d’en acquérir les droits pour le cinéma. Diane Kurys n’a pas connu Sagan mais a pourtant failli travailler avec la femme de lettres ; elle lui avait en effet proposer de travailler sur le scénario des Enfants du siècle, connaissant la fascination de Sagan pour la correspondance de George Sand et Alfred de Musset.

« Sagan » de Diane Kurys

Comment élaborer le portrait d’un monstre sacré qui avait tant marqué son temps ? Les abondants articles lors de la disparition de Sagan rappelaient combien tant la personne que l’œu-vre étaient romanesques. C’est en puisant à la source de ce romanesque que Diane Kurys a commencé à réaliser ce portrait. Certains puristes lui reprochent d’avoir pris quelques libertés, comme par exemple la reconstitution du fameux accident de voiture. La cinéaste s’en défend en soulignant qu’elle a cherché surtout à mettre en relief les contradictions de Sagan : J’ai voulu la montrer dans son ambiguïté, à la fois proche, humaine et totalement imprévisible. Je n’ai pas cherché à la rendre meilleure qu’elle n’était, j’ai seulement voulu la rendre vraie, en essayant de m’approcher au plus près. Elle était généreuse, passionnée, passionnante et elle pouvait être un monstre d’égoïsme, elle était lâche aussi, parfois. Faire le portrait de quelqu’un, c’est aussi faire un portrait de soi-même.
En amont du tournage, Diane Kurys a tenu à rencontrer certaines personnalités qui avaient marqué l’entourage de Françoise Sagan, dont Florence Malraux, Jean-Claude Brialy ou Régine. Elle a en outre demandé au fils de l’écrivain, Denis Westhoff, d’être le conseiller artistique du film.

A la tête d’une distribution exceptionnelle, Sylvie Testud prouve une fois de plus, après Stupeurs et tremblements, qu’elle reste la meilleure actrice-caméléon de l’Hexagone. Sans fard ni maquillage (tout comme l’était Marion Cotillard dans La Môme), l’actrice offre une composition saisissante de justesse, jusque dans le phrasé et dans la gestuelle. Et pour cause : la comédienne s’est littéralement immergée dans le monde de Sagan, s’abreuvant des archives de l’INA pendant deux mois. La ressemblance est flagrante, le travail de la comédienne parfait. Hélas, la réalisatrice, en dépit de la présence de cette composition de premier plan, échoue à percer le mystère Sagan. Diane Kurys reste en surface, traite toutes les problématiques sur le même plan. N’offrant aucun point de vue extérieur.
Le film de Diane Kurys a la grâce de son modèle, « un parfum de soufre et de tristesse », dommage que le ton fasse un peu téléfilm. Un peu plus concentré, le film aurait épargné ces longueurs superflues. Souhaitant montrer Sagan telle qu’elle était, à la fois libre et inspirée, mais aussi tyrannique et capricieuse, la réalisatrice offre un biopic attachant, parfois même bouleversant. Mais si ce film doit marcher sur les traces de La Môme pour représenter la France aux Oscars, ce sera certainement pour l’interprétation exceptionnelle de Sylvie Testud, parfaite de bout en bout. Reste donc l’interprétation, qui vaudra quand même à elle seule le détour par une salle obscure.

Firouz-Elisabeth Pillet