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Film de mai 2011 : “Rabbit Hole“

Surprenant opus, traitant du deuil d’un enfant, qui permet à John Cameron Mitchell de mettre en évidence l’absurdité de la vie.

Article mis en ligne le 1er mai 2011
dernière modification le 29 novembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Rabbit Hole


de John Cameron Mitchell, avec Nicole Kidman, Aaron Eckhart, Sandra Oh. Etats-Unis, 2010

Aux commandes de ce film très intimiste, et parfois doloriste, le cinéaste américain John Cameron Mitchell – qui avait marqué le public avec la comédie musicale Hedwig and the Angry Inch puis avec le sulfureux Shortbus – crée une nouvelle fois la surprise avec ce dernier opus, Rabbit Hole, en décryptant avec une juste pudeur le deuil d’un enfant et la crise de couple. Inspiré d’une pièce de théâtre de David Lindsay-Abaire, Rabbit Hole a été développé pour le cinéma par le dramaturge lui-même mais aussi par Nicole Kidman qui en a obtenu les droits d’adaptation ; on peut, par conséquent, parler de Rabbit Hole comme du premier film de commande de John Cameron Mitchell, mais le cinéaste parvient à mettre délicatement sa touche personnelle. Si Nicole Kidman offre une interprétation poignante de vérité – on songe inévitablement aux deux enfants qu’elle a adoptés avec Tom Cruise et qu’elle ne voit plus depuis son divorce – et a obtenu à juste titre des nominations aux Oscars et aux Golden Globes, son mari à l’écran, Aaron Eckhart, aurait tout autant mérité les mêmes lauriers.

« Rabbit Hole » de John Cameron Mitchell
© Filmcoopi

Le film relate donc l’histoire d’un couple, Becca (Nicole Kidman) et Howie (Aaron Eckhart), qui tente de retrouver goût à la vie huit mois après la mort de leur fils, Danny, renversé par une voiture alors qu’il poursuivait leur chien. Ce drame semble être la face apparente d’une crise conjugale qui menace de mettre fin à leur union. Chacun vit le deuil à sa manière, entre Howie qui se prend d’amitié amoureuse pour une femme (Sandra Oh) rencontrée dans leur groupe de thérapie et avec laquelle il partage rires, complicité et pétards, et Becca qui noue une relation étrange avec Jason (Miles Teller, attendrissant), le jeune homme responsable de l’accident. La caméra oscille entre les deux partenaires, entre leur cheminement dans le deuil, entre leurs souffrances d’abord unies puis séparées. Une douleur dont les manifestations divergent selon l’humeur et la personne : ainsi lorsque Becca, en tailleur sur son ancien lieu de travail, prend conscience brutalement qu’elle est devenue une étrangère pour ses anciens collègues. Chacun chemine selon ses capacités, explose de colère ou engloutit au fond de soi ses marasmes.

Rabbit Hole traite d’un sujet difficile mais a le mérite d’offrir une touche de gaîté, symbole de vie : les parents endeuillés n’en oublient pas leur sens de l’humour ; mentionnons par exemple la séance de thérapie lors de laquelle Howie est pris de fou rire (car sous haschich). La mère de Becca a une fâcheuse tendance à comparer la mort de son fils à celle de Danny ; excédée, Becca lui fait remarquer que son frère est mort d’une overdose à trente ans, et son fils à quatre ans, écrasé par une voiture ! John Cameron Mitchell saisit ici toute l’absurdité de la vie tout en restant caché avec modestie derrière ses personnages et leur parcours. Le titre Rabbit Hole fait une évidente allusion au conte Alice au Pays des Merveilles, et suggère le monde étrange et fantasmagorique dans lequel sont plongés les parents endeuillés. Rabbit Hole est aussi le titre de la bande dessinée que Jason crée et confie à Becca pour avoir son avis, une bande cathartique, censée mener à la résilience et au pardon. Le film est magnifiquement servi par le tandem principal comme par les acteurs secondaires qui parviennent à nous faire partager leurs joies comme leurs peines.

Firouz-Elisabeth Pillet