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Film de mai 2011 : “Ma part de gâteau“

Apparemment, Cédric Klapisch ne rigole plus... Heureusement, Karin Viard est excellente !

Article mis en ligne le 1er mai 2011
dernière modification le 29 novembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Ma part de gâteau


de Cédric Klapisch, avec Karin Viard, Gilles Lellouche, Audrey Lamy, Zinedine Soualem. France

France, une mère de famille dunkerquoise, licenciée économique, quitte sa région, son ex-mari docker sur lequel elle ne peut jamais compter et ses trois filles pour “monter“ sur Paris et y chercher du travail. Sur place, elle est embauchée comme femme de ménage chez un trader, événement fortuit qui ne sera pas sans conséquences pour elle… ni pour lui, d’ailleurs.

Sous l’influence du cinéma anglais social – avec Ken Loach en tête de file –, les cinéastes français s’intéressent à la mondialisation et à la globalisation, destructrices des valeurs humaines de notre monde. Karin Viard incarne France, l’ouvrière licenciée mais combative, un prénom choisi à dessein. L’héroïne subit le chômage au quotidien, ne sachant plus comment procurer le minimum vital à ses filles. La région est meurtrie, Dunkerque voit ses usines fermer les unes après les autres. Croyant avoir fait le pied de nez au destin, France découvre avec stupeur que l’exécrable trader (Gilles Lellouche) qui l’a engagée fait fortune en boursicotant sur le dos des plus faibles, sans une once de culpabilité.

« Ma part de gâteau » de Cédric Klapisch

Mais qu’est-il arrivé au réalisateur qui nous avait joyeusement surpris avec le Péril Jeune (1995), amusé avec Chacun cherche son chat (1996), ravivé nos souvenirs de jeunesse avec L’auberge espagnole (2002) et attendri avec Les Poupées russes (2005) ? Cédric Klapisch semble avoir changé. De toute évidence, ce dernier film déconcerte, surprend, déçoit les inconditionnels admirateurs du cinéaste.
Cédric Klapisch ne rigole plus, et du coup, ne nous amuse guère. Dans Ma part du gâteau, le cinéaste abandonne donc son genre de prédilection – la comédie sociale - pour signer une fiction sociale et politique qui clame, à chaque séquence, l’héritage assumé mais guère abouti du cinéma social britannique. Se voulant le digne fils spirituel de Ken Loach, Klapisch ne parvient pas à la maestria du maître. Pourquoi est-il donc allé se fourvoyer sur un terrain qui ne lui réussit point ? Un des précédents films de Klapisch, Paris, avait déjà divisé la critique.

Dès sa séquence d’introduction, Klapisch étonne en juxtaposant des flux boursiers, des traders hystériques, des ouvriers et une grève contre la fermeture d’une usine à Dunkerque. Cette fâcheuse tendance manichéenne persistera tout au long du film, et les oppositions en deviennent presque caricaturales. Fort heureusement, Karin Viard offre une partition délicieusement excellente, comme dans le récent Potiche de François Ozon, mais son interprétation ne suffit pas à sauver le film du naufrage. Le scénario la cantonne d’ailleurs dans un rôle peu nuancé où elle passe ses journées à distiller de bons conseils sur les relations amoureuses, à récolter les apitoiements existentiels de son patron ou à énoncer des maximes sur l’existence et ses revers. L’actrice n’est malheureusement pas la seule à être desservie par le scénario, d’autres acteurs au riche potentiel artistique, comme Zinedine Soualem, sont négligés. Une résurrection du Klapisch des premières heures est-elle encore possible ? Si tel n’est pas le cas, gardons espoir de rire encore avec le cinéma français puisqu’une nouvelle génération, très prometteuse, a vu le jour !

Firouz-Elisabeth Pillet