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Film de juin 2011 : “Gianni e le donne“

Avec truculence, humour, Gianni Di Gregorio s’amuse, et amuse la galerie au passage, du temps qui file, du corps qui le trahit...

Article mis en ligne le 1er juin 2011
dernière modification le 31 décembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Gianni e le donne


de et avec Gianni Di Gregorio ; avec Valeria Bendoni, Alfonso Santagata, Elisabetta Piccolomini, Valeria Cavalli, Aylin Prandi, Kristina Cepraga, Michelangelo Ciminale, Teresa Di Gregorio, Lilia Silvi, Gabriella Sborgi, Silvia Squizzato, Laura Squizzato. Italie, 2011.

Après le succès tonitruant de il Pranzo di Ferragosto (2008) - Prix De Laurentiis du meilleur premier film à la Mostra de Venise et récompensé aux David de Donatello et aux Nastri d’Argento, pour ne citer que quelques victoires -, que Gianni di Gregorio était venu présenté à Genève, Gianni e le donne, sorti en février sur les écrans italiens, et projeté dans la section “Berlinale Special“ du festival, confirme que le scénariste et assistant des plus grands cinéastes italiens a bien fait de passer à son tour derrière la caméra.
Dans son nouveau film, le “Jacques Tati du Trastevere“ (le quartier le plus pittoresque de Rome, où le réalisateur est né et vit) reprend l’excellent personnage de son premier film et nous livre une histoire tout aussi personnelle mais tout aussi universelle. Dans Le Déjeuner du 15 août, Di Gregorio jouait le rôle du fils unique d’une veuve, une noble déchue, capricieuse et dominatrice, dont il devait satisfaire toutes les demandes même les plus rocambolesques, sans oublier celles des copines de la vieille dame. Dans Gianni e le donne, le héros/ réalisateur est un retraité que sa femme ignore et que sa fille plaint. La mère (toujours interprétée par l’inénarrable Valeria de Franciscis Bendoni) demeure fidèle à elle-même : tandis que son fils Gianni dépend d’une misérable retraite, elle vit dans une villa somptueuse du centre de Rome entourée d’œuvres d’art, s’adonne au poker dans son jardin avec ses amies en consommant du champagne à 200 euros la bouteille et paie, pour s’occuper d’elle, une Est-Européenne qu’elle couvre de cadeaux. Gianni se lamente auprès de son ami et complice qui le comprend et lui prodigue de multiples conseils, plus ou moins judicieux. Ignoré des femmes qu’il aime tant, Gianni erre dans son quartier en rêvant d’une aventure amoureuse... il pourrait même se satisfaire du sourire d’une jeune femme. Sa vieille mère le harcèle au téléphone pour des raisons qui s’avèrent toujours aussi futiles, comme déplacer légèrement le câble de l’antenne de télévision ! Alors que certaines jeunes femmes, à la poitrine avenante et à l’écoute compatissante, semble raviver les espoirs de Gianni, il découvre que, quand elles rêvent de lui, c’est en tant que grand-père ! Il se ressaisit aussitôt et se met au sport sur la terrasse de son appartement mais c’est sans compter le poids des ans qui ne lui pardonne guère cette crise subite de jeunisme !

« Gianni e le donne » de et avec Gianni Di Gregorio

Di Gregorio a eu l’idée de ce film dans le bus, en se rendant compte qu’il était devenu invisible au regard des dames ; de ce fait il s’identifie à son personnage, à l’instar de Nanni Moretti qui reporte les méandres de ses réflexions psychanalytiques dans son alter ego, Michele Apicella. Entre mélancolie et divertissement, teinté d’un humour savoureux, et d’une auto-dérision délicieuse, entre Fellini, Truffaut et le nouveau cinéma des Balkans, ce film est un hymne d’amour inconditionnel à la femme, cet être aussi méconnu qu’adoré, et à cet âge, ardemment convoité et désiré, sans qu’il soit possible de parvenir à atteindre les rives suaves de cette volupté promise. Avec la même distance, si cocasse que dans son premier film, Gianni di Gregorio fait part de son désappointement devant le temps qui file, son corps qui le trahit, et son âme qui, elle, est restée insatiable de vie – une vie paresseuse, à ses heures mais aussi intense, bigarrée, riche en repères sensoriels et sensuels que son âge semble dorénavant lui interdire. Avec truculence, humour, le réalisateur ne s’apitoie absolument pas sur sa condition de sexagénaire... Bien au contraire, il ne cesse de s’en amuser, et d’amuser la galerie au passage, comme dans cette séquence où il se promène sur les bords du Tibre, se retrouvant au beau milieu d’un groupe de touristes – des femmes, bien évidemment – qui poursuit son chemin sans même le voir. Une bulle d’oxygène vivifiante dont les bienfaits nous poursuivent au-delà de la projection.

Firouz-Elisabeth Pillet