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Film de juin 2010 : “Une exécution ordinaire“

Un bijou de film, offrant un rôle inattendu mais poignant à André Dussollier.

Article mis en ligne le juin 2010
dernière modification le 24 septembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Une exécution ordinaire


de Marc Dugain, avec André Dussollier. France, 2010.

En 1952 à Moscou, un couple fraîchement marié et indigent survit grâce à l’Amour. Leur bonheur est rapidement broyé par le système soviétique. Médecin urologue, Anna pratique le magnétisme pour soigner la plupart des malades qui se pressent dans sa salle d’attente, au grand dam de ses collègues qui ont tôt fait de la dénoncer sous de faux prétextes. Staline entend parler des talents de la jeune femme et décide de faire secrètement appel à ses services, à des conditions qui ne laisse aucun choix à Anna. Il congédie son médecin personnel et convoque la jeune femme à chaque fois que survient une migraine. Petit à petit, de manière insidieuse, le dictateur s’impose dans la vie d’Anna et l’entraîne dans un abysse vertigineux. Au fil des rencontres officieuses, des confidences, des intimidations et des mesures maniplatrices, la jeune femme s’égare entre sentiments ambigus et devoir politique.
Romancier dans une vie antérieure, Marc Dugain fait aujourd’hui ses débuts en tant que metteur en scène. Pourtant, le Septième Art lui est proche depuis plus de vingt ans. En 2000, François Dupeyron a adapté pour le grand écran son livre La Chambre des officiers, qui séduisit le public. Le producteur Jean-Louis Livi incite l’auteur à transposer lui-même une autre de ses œuvres littéraires, intitulée Une exécution ordinaire, après l’avoir portée au théâtre. Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, le film réalisé par Marc Dugain lui-même est un pur bijou, offrant un rôle inattendu mais poignant à André Dussollier. Le film semble déjà se profiler comme l’une des œuvres marquantes du cru 2010.

« Une exécution ordinaire » de Marc Dugain
© Frenetic films

Quand on lui a proposé d’interpréter le dictateur soviétique, André Dussollier a été fort surpris, vu le peu de ressemblance physique entre Staline et lui… Mais, après réflexion, le comédien accepte, relevant le défi de sortir de son registre habituel et heureux d’incarner un personnage hors norme, avec tous ses paradoxes et ses ambigüités. D’ailleurs, il n’est pas inhabituel de voir un acteur incarner avec brio un personnage qui lui est opposé physiquement : Michel Bouquet rendit hommage à l’ancien Président de la République François Mitterrand avec beaucoup de talent (et sans aucun maquillage !) dans le film de Robert Guédiguian Le Promeneur du Champ de Mars. Outre-Rhin, Bruno Ganz avait fait revivre, avec un réalisme terrifiant, Hitler dans le bunker qui abrita ses derniers jours.

A l’instar d’Antoine de Caunes et de son film Coluche (sans doute le plus grand rôle de François-Xavier Demaison), Marc Dugain choisit d’évoquer la silhouette du dictateur, et non de restituer un portrait parfait, en recourant à un maquillage constitué de quelques prothèses et autres textures qui permettent le vieillissement de la peau ; la réussite du film repose donc plus sur le jeu du comédien que sur ces divers artifices qui restent bien accessoires. La performance d’André Dussollier ne doit pas estomper celle de Marina Hands, émouvante et d’une grande justesse, celle d’Edouard Baer, dramatique et sobre à souhait, ou celle de Grégory Gadebois, pensionnaire de la Comédie Française, dans un rôle terrifiant. Cette “exécution ordinaire“ offre à André Dussollier un de ses plus beaux rôles et le fait figurer dorénavant au panthéon des tout grands comédiens français.© Frenetic films

Firouz-Elisabeth Pillet