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Film de juillet 2009 : “Mister Lonely“

Avec Mister Lonely, le cinéaste Harmony Korine propose un véritable O.V.N.I cinématographique.

Article mis en ligne le juillet 2009
dernière modification le 29 janvier 2012

par Firouz Elisabeth PILLET

Mister Lonely


de Harmony Korine, avec Diego Luna, Samantha, Denis Lavant. Etats-Unis, Irlande, Grande-Bretagne, France, 2007.

Depuis son dernier film réalisé en 2000 (Julien Donkey-Boy), Harmony Korine s’était éloigné durant de nombreuses années des plateaux de cinéma, traversant une longue période de dépression et noyant son malaise dans le monde de la drogue. Il est réapparu au cinéma grâce à son vieil ami Gus Van Sant qui lui avait offert un petit rôle dans Last Days. Présenté comme une comédie, Mister Lonely ouvre les portes d’un microcosme particulier, invitant les spectateurs au sein d’une communauté de sosies coupés du monde, attestant un état d’apaisement et douceur chez le cinéaste mais, pour les perspicaces, les vieux démons d’Harmony Korine – le malaise et la représentation acide des relations humaines – restent perceptibles, sans doute apaisés et moins acides.
Un sosie de Michael Jackson vivant seul à Paris fait la rencontre du sosie de la plantureuse Marilyn Monroe. Celle-ci lui propose de l’accompagner dans un petit village d’Ecosse où se tient un gala de sosies. Michael accepte et fait ainsi la rencontre du petit chaperon rouge, de Charlie Chaplin, d’Abraham Lincoln, James Dean mais aussi de la Reine d’Angleterre, de Madonna et de bien d’autres...
Présenté lors du 60e Festival de Cannes dans la sélection "Un Certain regard", le film de Harmony Korine fait référence à la célèbre chanson éponyme de Bobby Winton, que le cinéaste utilise d’ailleurs dans le générique du début où le personnage interprété par Diego Luna chevauche une mini moto, seul, sur un circuit.

« Mister Lonely » de Harmony Korine
© Shellac

Véritable O.V.N.I cinématographique, sortant radicalement des sentiers battus, Mister Lonely surprend, et déconcerte avec bonheur. Le cinéaste, assagi, semble avoir trouvé une certaine quiétude et annonce d’emblée que son but n’était pas de réaliser un film sur des stars tels Michael Jackson, Madonna, Chaplin mais d’approfondir la réflexion sur la nature obsessionnelle des gens qui en imitent d’autres, jusqu’à pousser le mimétisme à vivre en communauté. L’intention du réalisateur est remarquablement rendue à l’écran : on comprend rapidement que ce n’est pas l’imitation en soi qui l’intéresse mais bel et bien la personne qui se cache derrière son personnage, prétextant l’admiration pour son idole afin d’éviter d’affronter son mal être. Quels sont ces gens qui admirent et vivent pour une icône mais s’aventurent à pousser le jeu un peu plus loin ? Jusqu’à quelle limite ? Jusqu’à assimiler l’identité de ce personnage et se faire passer pour lui dans des réceptions, dans des maisons de retraite pour gagner ainsi sa vie.
Parallèlement à cette réflexion poétique sur le monde hermétique des sosies, Korine ponctue son film avec des religieuses missionnaires en Afrique. L’une d’entre elles chute de l’hélicoptère alors qu’elles déchargent des sacs de céréales, et atterrit saine et sauve sans parachute. Preuve tangible de la force de sa foi et de la présence de Dieu, elle convainc ses sœurs d’en faire autant. Il ne faut chercher aucun lien (si ce n’est, peut-être la foi et l’obsession) entre les deux histoires qui évoluent parallèlement sans se recouper. Selon le cinéaste, l’histoire des nonnes volantes « fait plutôt office d’allégorie et de contrepoint poétique ».
On sort de cette projection un peu assommé par cette chronique étrange, insolite fresque d’un microcosme onirique et fantasque. Pour apprécier à sa juste valeur ce spectacle déconcertant, il faut se donner le temps de digérer, et de s’habituer à la caméra si particulière de Korine qui semble avoir bien renoué avec le septième art. Il a même sollicité la complicité de deux cinéastes qu’il admire inconditionnellement pour deux rôles secondaires : Léo Carax et Werner Herzog.

Firouz-Elisabeth Pillet