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Film de juillet 2009 : “Genova“

Michael Winterbottom n’est jamais où on l’attend. Avec Genova il se penche sur notre capacité à en surmonter les difficultés de la vie.

Article mis en ligne le juillet 2009
dernière modification le 29 janvier 2012

par Firouz Elisabeth PILLET

Genova


(Un été italien) de Michael Winterbottom, avec Colin Firth, Catherine Keener. Angleterre 2008.

Suite à un tragique accident de la route, Joe professeur universitaire, se retrouve seul à assumer l’éducation de ses deux filles, l’aînée Kelly et la cadette, Mary. Anglais émigré aux Etats-Unis, il décide de se ressourcer dans le vieux continent et de prendre une année sabbatique pour partir en l’Italie avec ses filles… Et pourquoi pas pour tenter de redémarrer leur vie. Ces filles évolueront chacune à leur manière, la plus jeune troublée par la vision du fantôme de sa mère, la plus âgée par la découverte de sa sexualité avec un ténébreux Italien lors de soirées animées sur la plage. Une ancienne compagne d’études de Joe leur a trouvé un appartement à Gênes.
Dans les méandres de cette ville portuaire, chacun cherche de nouveaux repères, entre la découverte d’une culture riche et chaleureuse, les leçons de piano des filles et les cours du père. Peu à peu, chaque membre de ce trio à la dérive émotionnelle retrouve goût à la vie. La cadette des deux enfants relate les fréquentes visites du spectre de sa maman. Entre deuil à faire, résilience et surnaturel, le film entraîne les spectateurs dans des pérégrinations psycho-sentimentales à travers les ruelles de Gênes écrasées par le soleil estival.

« Genova » de Michael Winterbottom, avec Willa Holland (Kelly)

Michael Winterbottom n’est jamais où on l’attend. Pour preuve sa filmographique surprenante et métissée : c’est lui qui a osé le premier, et dénoncé, à travers un film de fiction, les dérives de la guerre en ex-Yougoslavie alors que les médias ne parlaient pas encore de génocide ethnique (Welcome to Sarajevo), drame sur le siège de la capitale bosniaque, présenté en compétition à Cannes en 1996. C’est aussi lui qui s’est aventuré, caméra à l’épaule, dans les enceintes de Guantanamo pour filmer sur le vif les conditions lamentables de détention des prisonniers « terroristes » et les exactions des soldats américains dans un documentaire captivant (The road to Guantanamo, 2006, Ours d’Argent de la Meilleure réalisation à Berlin), inspiré par l’histoire vraie de quatre jeunes Anglais partis célébrés le mariage d’un ami au Pakistan, leur pays d’origine. Etonnement, pour ce dernier film, c’est le roman de Marguerite Duras Moderato Cantabile qui a été une source d’inspiration pour le cinéaste. D’après lui, « il y a quelque chose à Gênes qui m’a fait penser au roman, qui est également situé dans une ville portuaire. Je l’ai lu il y a longtemps, mais je me souviens d’un parent emmenant son enfant à son cours de piano. »
Le cinéaste se penche souvent sur le sujet de la famille, les émigrés, ceux qui sont en situation de stress, de danger, et aime particulièrement examiner comment ils gèrent ces différentes situations. Au final, il offre des films très introspectifs, fouillés quant aux émotions, qui touchent les spectateurs au cœur même de leur propre expérience, de leurs émotions les plus enfouies. Genova ne déroge pas à cette tendance mais laisse une question non élucidée quant à ces apparitions du fantôme de la maman auprès de sa cadette. On aurait bien voulu connaître l’intention du réalisateur à ce propos.
Genova questionne sur les aléas de la vie, sur notre capacité à en surmonter les difficultés et poursuit les spectateurs bien au-delà de la projection, en proposant une escapade magnifiquement filmée dans une ville que le septième art n’a pas coutume de filmer. Le Festival de San Sebastian a attribué le Prix de la Meilleure Mise en Scène en 2008.

Firouz-Elisabeth Pillet