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Film de juillet 2008 : “Le premier venu“

Jacques Doillon nous offre un film âpre et mélodieux

Article mis en ligne le juillet 2008
dernière modification le 23 mai 2012

par Charlotte BUISSON-TISSOT

Le Premier venu


de Jacques Doillon. Avec Clémentine Beaugrand, Gérald Thomassin, Gwendoline Godquin, Guillaume Sorrel.France, 2008.

Comment parler de l’intrigue du Premier venu de Jacques Doillon ? Un homme qui court après une femme qui court après un homme…

A Crotoy, une petite ville de la Somme, Camille (Clémentine Beaugrand), une jeune Parisienne, court après Costa, un voyou du coin (Gérald Thomassin). Elle affirme qu’il a abusé d’elle la nuit précédente et attend des excuses de sa part. Il disparaît dans la ville, elle part à sa recherche et, sur le chemin aborde, différentes personnes de l’entourage de Costa : Gwendoline (Gwendoline Godquin), sa femme, qu’il a abandonnée trois ans plus tôt, avec sa petite fille, Kimberlay, Cyril, le policier, un ami d’enfance (Guillaume Sorrel), son père, un alcoolique. Le récit devient alors une succession de rencontres qui se font presque toujours entre deux personnages, et chaque scène qui s’enchaîne devient un film à part entière. Que veut Camille en courant après Costa ? Ses raisons sont floues. « Je cherche à ce qu’il m’aime » dit-elle. Le récit change de rythme en cours de route, Camille passe le relais à Costa. Grâce à son regard amoureux, elle le révèle, et l’intrigue devient alors portée par lui.

Les scènes sont conduites par une mécanique infaillible, bouleversante, les personnages sont toujours en mouvement, ils ne cessent de dialoguer entre eux, ne se quittent jamais vraiment, se retrouvent, poussés par une sorte de fatalité, de confiance réciproque. Ils partent, mais reviennent toujours. Le film évolue en suivant le rythme des acteurs, merveilleux acteurs qui se révèlent au fil de l’histoire. Costa, comme un Charlot malade, nous offre sa fascinante démarche, nerveuse, boiteuse, atrophiée, contrastant avec celle de Camille, gauche, embourbée, touchante. Ils forment un couple improbable. Il faut attendre la fin du film pour que Camille se révèle enfin, ange réconciliant, filmée en contre-plongée, un ciel blanc derrière elle.
Doillon nous propose un magnifique morceau brut de cinéma.
Le spectateur devra accepter de prendre le rythme du film, de se laisser emporter par une musique particulière, faite parfois d’assonance, d’irrégularité, de changement de tempo. C’est un film âpre et mélodieux, pour lequel il faut oublier tout ce que l’on a vu avant, et y aller comme "un premier venu" au cinéma.

Charlotte Buisson-Tissot