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Film de février 2011 : “Le Voyage du directeur des ressources humaines“

Voilà un Voyage qui a déjà séduit de nombreux festivaliers.

Article mis en ligne le février 2011
dernière modification le 27 août 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Le Voyage du directeur des ressources humaines


de Eran Riklis, avec Mark Ivanir, Guri Alfi, Noah Silver. Israël, 2009.

Présenté sur la célèbre Piazza Grande au dernier Festival de Locarno, le dernier film du cinéaste israélien Eran Riklis a remporté haut la main le suffrage du public qui a pu découvrir sur la fameuse scène du festival, il palco, le réalisateur accompagné par ses deux acteurs principaux. Le Voyage du directeur des ressources humaines a été élu meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario de l’année aux Isreali Academy Awards, les Oscars israéliens, et a raflé de multiples prix à travers le monde.
Voyage rédempteur pour un homme qui doit se réconcilier avec soi-même afin de retrouver l’amour des siens, le film de Riklis commence en Israël mais la majeure partie de l’histoire se déoule en Roumanie ; c’est la première fois que le cinéaste tourne ailleurs que dans son pays.

« Le Directeur des Ressources Humaines » de Eran Riklis

Rien ne va plus pour le Directeur des Ressources Humaines (DRH) de la plus grande boulangerie de Jérusalem : il s’est récemment séparé de sa femme, sa fille le boude et il est empêtré dans un boulot qu’il déteste. Les problèmes s’intensifient lorsque sa supérieure lui demande d’examiner la situation d’une employée qui touche son salaire alors qu’elle ne s’est plus présentée à l’usine depuis un mois. Le DRH découvre la mort accidentelle de son employée mais il a été précédé dans cette macabre découverte par la “fouine“, un journaliste du plus grand quotidien du pays, qui accuse aussitôt la boulangerie d’inhumanité et d’indifférence. Le DRH est alors sommé de repartir en mission pour rapatrier le corps afin de redorer l’image de l’entreprise. Commence alors un périple tant géographique qu’humain qui entraîne le DRH des rues mystiques du quartier hassidique de Jérusalem à la glaciale Roumanie où la lourdeur du passé communiste se fait encore sentir. Escorté par la consule et le vice-consul d’Israël, le DRH part à la recherche du village de Yulia, cette femme qu’il ne connaissait pas mais qu’il apprend petit à petit à admirer. A la tête d’un convoi chaotique, entre le fils de la défunte, adolescent en révolte contre tous et surtout contre son père, taciturne et désemparé, un exaspérant journaliste, une consule excentrique et un encombrant cercueil, le DRH retrouve son humanité et sa vraie capacité à s’occuper des « ressources humaines ».

Quel intrigant titre que Le Voyage du directeur des ressources humaines. Plus prosaïque que Les citronniers ou que La fiancée syrienne au niveau lexical, le film n’en n’est pas moins empli de poésie picturale et d’humour. Le rapatriement du corps est, bien évidemment, un prétexte au cheminement intérieur de cet homme qui s’était déshumanisé et avait perdu toute empathie par l’érosion de la monotonie ; la quête du DRH (magistralement interprété par Mark Ivanir, notamment remarqué dans La Liste de Schindler et Le Terminal de Spielberg, puis dans Raisons d’état de Robert de Niro, ainsi que dans les séries télé comme The experts, 24 heures chrono et The Shield), qui n’assume pas ses responsabilités, ni dans sa famille, ni dans son travail est le fil conducteur de ce récit qui n’épargne ni les nostalgiques du régime à la faucille ni les médias, avides de sensationnel pour la “Une“. Au cours d’un périple rocambolesque et plein de péripéties, il va devoir affronter ses propres démons pour peu à peu réaliser l’importance de l’amour des siens et réveiller ainsi sa propre humanité.

Magnifiquement interprété – pour l’anecdote, la “fouine“ est jouée par un vrai journaliste – ce road movie déjanté à la manière de Little Miss Sunshine, plus lyrique, invite à une réflexion sur les relations humaines, sur l’importance des racines et sur l’anonymat des sociétés modernes. Soutenu par une musique aux accents tziganes (composée par Cyril Morin, déjà présent sur La Fiancée syrienne), la photographie et la mise en scène, épurée, mettent en valeur la dimension morale, humaine et émotionnelle des personnages, tout en saupoudrant le tout d’une auto-dérision digne d’Emir Kusturica. Dépouillé, sans artifices ni intention moralisatrice, ce voyage séduit et convainc, incitant les spectateurs à suivre ce “radeau de la Méduse“ émotionnelle dans ces pérégrinations universelles.

Firouz-Elisabeth Pillet