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Film de février 2010 : “Invictus“
Article mis en ligne le février 2010
dernière modification le 26 novembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Invictus


de Clint Eastwood, avec Morgan Freeman, Matt Damon. Etats-Unis, 2009.

En 1994, l’élection de Nelson Mandela consacre la fin de l’Apartheid, mais l’Afrique du Sud reste une nation profondément divisée sur le plan racial et économique. Les relents de l’Apartheid ont la vie dure et c’est derrière des barreaux que les communautés noires des ghettos acclament « Madiba » quand il est remis en liberté après vingt-sept ans derrière les barreaux. Pendant cette captivité, Mandela a eu le temps d’observer l’ennemi de l’intérieur. Il sait que, pour fédérer son pays, il faut recourir à l’emblème des Blancs, les Springbœks, l’équipe de rugby, toujours huée par les supporters noirs. Pour unifier le pays et donner à chaque citoyen un motif de fierté, Mandela mise sur le sport, et fait cause commune avec le capitaine de la modeste équipe de rugby sud-africaine, François Peenaar, issu d’une famille pro-apartheid. Leur pari : se présenter au Championnat du Monde 1995...

« Invictus » de Clint Eastwood, avec Morgan Freeman dans le rôle de Mandela
© Warner Bros.

Revenu avec brio devant la caméra en 2008, en incarnant un vétéran de la Guerre de Corée dans Gran Torino, Clint Eastwood déploie une véritable frénésie comme scénariste, réalisateur, parfois acteur, et producteur, sortant un à deux films par an. Voilà certainement le secret de son éternelle jouvence.
Plus qu’une reconstitution, Clint Eastwood signe ici une page d’histoire. Quand Mandela arrive au pouvoir, l’Afrique est au borde de l’implosion : Les Blancs sont persuadés qu’ils frisent la guerre civile et tentent d’imposer l’apartheid, alors aboli, de facto. Les Noirs veulent abolir l’équipe des Springbœks et créer une équipe arc-en-ciel, « Proteas ». Mandela s’y oppose, créant un tollé au sein de sa propre communauté. Pourtant, quand il entre sur le terrain saluer le capitaine de l’équipe lors d’un premier match éliminatoire pour la coupe mondiale, une clameur s’élève soudain des gradins : la foule scande « Man-de-la, Man-de-la ! » ; même le garde du corps du président n’y croit pas.
Mandela a choisi de balayer les peurs des Blancs en s’appuyant sur ce qui fonde leur communauté, le sport, le rugby en particulier. Il fascine le capitaine de l’équipe par sa résilience, sa capacité à pardonner à ses bourreaux, pour « viser l’excellence ». De match en match, l’équipe se qualifie et fédère peu à peu les 43 millions de Sud-Africains de toute couleur.

« Invictus » de Clint Eastwood, avec Matt Damon.
© Warner Bros.

Au risque de sa vie, Mandela consolide cette Afrique du Sud arc-en-ciel dont il a rêvée pendant vingt-sept ans. Clint Eastwood s’attèle à cet aspect du mandat de Mandela, déjà occulté par les politologues, mais qui a été le calcul judicieux et l’élément fondateur de celui qui voulait offrir une nation unie à ses concitoyens. Brillamment interprété par un Morgan Freeman troublant de vérité, donnant la réplique à Matt Damon en capitaine d’équipe pro-apartheid qui change au fil des rencontres avec Mandela, Eastwood signe encore et toujours un chef-d’œuvre. " Je suis le maître de mon destin, le capitaine de mon âme », magnifique vers tiré du poème Invictus – qui a donné son titre au film – poème qui a servi de bouée de secours à Mandela dans ses moments de doutes et de déprime dans sa geôle.
On peut redouter les nombreuses scènes de match de rugby, les meutes plaquées au sol, les biceps dégoulinant de sueur si l’on n’est guère fan du Quinze. Mais l’excellence du film prime et rafraîchit nos mémoires sur une page d’histoire pas si éloignée !

Firouz-Elisabeth Pillet