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Film de décembre 2010 : “Potiche“

Le dernier film de François Ozon doit énormément à l’interprétation de Catherine Deneuve.

Article mis en ligne le décembre 2010
dernière modification le 3 janvier 2013

par Firouz Elisabeth PILLET

Potiche


de François Ozon, avec Catherine Deneuve, Fabrice Luchini, Judith Godrèche, Gérad Depardieu, Karin Viard, Jérémie Rénier. France, 2010.

En 1977, dans une province de la bourgeoisie française, dans le Nord de l’Hexagone, Suzanne Pujol est l’épouse faire-valoir et soumise d’un riche industriel, chef d’entreprise, Robert Pujol. Ce dernier dirige son usine de parapluies d’une main de fer et se montre aussi désagréable, intransigeant et despote avec ses ouvriers qu’avec ses enfants et sa femme, qu’il prend pour une potiche. À la suite d’une grève et de la séquestration de son mari, Suzanne se retrouve à la direction de l’usine et se révèle à la surprise générale une femme de tête et d’action, qui sait entendre les doléances de ses employés tout en menant à bien les intérêts de l’entreprise. Mais lorsque Robert rentre d’une cure de repos en pleine forme, elle est aussitôt évincée et remise au placard…. Du moins, c’est ce que croit Robert.

« Potiche »
© Mars Distribution

Le dernier film de François Ozon, présenté au récent Festival de Venise - présidé en 2010 par Quentin Tarantino – dévoile la fructueuse collaboration du réalisateur avec l’actrice préférée des Français, Catherine Deneuve, huit ans après « Huit femmes ».

François Ozon retrouve son interprète à qui il avait songé depuis presque une décennie pour une nouvelle adaptation de pièce de théâtre de Barillet et Grédy.
Catherine Deneuve connaissait les intentions du cinéaste et s’est piquée au jeu de son personnage ; jouant avec une délectation tangible au premier degré, l’actrice apparaît sous son meilleur jour dès la séquence d’ouverture - un improbable jogging dans les bois où surgissent oisillon, biche et lièvres en plein rut. Et dès cette première séquence, le jeu de Catherine Deneuve fait mouche, faisant sursauter de rire les spectateurs dont les zygomatiques n’auront plus de répit jusqu’au générique de fin.

« Potiche »
© Mars Distribution

Le douzième film de Ozon – qui signe un film par an depuis 1997 – est un mélange harmonieux et réussi entre la comédie de boulevard – mais améliorée à la « Ozon » - et la screwball comedy anglaise dont le public romand a pu apprécié récemment un illustre exemple avec Tamara Drewe, de Stephen Frears.
Le cinéaste réussit une symbiose époustouflante entre une fidèle reconstitution d’époque (l’action se situe à la fin des années 70, et les papiers peints à fleurs, les tenues vestimentaires comme les coiffures, à grand renfort de brushing, sont là pour témoigner du goût - discutable ?- de cette époque) et une satire sociale où la positon de la femme est honorifique. Le réalisateur parvient à un savant dosage, poussant la satire sans jamais altérer l’histoire de cette femme qui va s’émanciper sous nos yeux, offrant ainsi plusieurs niveaux de lectures aux spectateurs ; certains s’identifieront au père de famille, misogyne, macho, mesquin, inscrit dans la tradition d’une bourgeoisie “vieille France“ et admirablement interprété par un Fabrice Luchini qui se régale dans un rôle qui le rend exécrable, ce qu’il adore ; d’autres soutiendront la métamorphose de Suzanne sert d’exemple à sa propre fille (Judith Godrèche) comme à la secrétaire de son mari (Karin Viard), ouvrant la voie aux revendications égalitaires des féministes.

« Potiche » de François Ozon
© Mars Distribution

Le film doit énormément à l’interprétation de Catherine Deneuve qu’on s’amuse à voir évoluer en porte-étendard de la libération des femmes au foyer. Le film de Ozon est choral, dans le bon sens du terme, offrant aux rôles secondaires de truculents personnages et de savoureuses répliques, comme, par exemple, à Gérard Depardieu en maire communiste dont l’idéalisme est mis à mal par son amour de jeunesse (le couple mythique du cinéma français en anciens amants se donnent à nouveau la réplique, six ans après Les temps qui changent, d’André Téchiné, signant ici leur septième collaboration), Luchini en patron volage et mari misogyne ou encore Karin Viard en secrétaire des plus dévouées, corps et âme, les enfants, Judith Godrèche en fille réac mais soumise à son mari, à l’instar de sa mère, et Jérémie Rénier en fils artiste à la sexualité trouble.

« Potiche »
© Mars Distribution

Toute cette palette d’acteurs se régale dans ce registre premier degré, presque ingénu, qui peut aisément se lire à divers niveaux. Chacun s’en donne à cœur joie dans la roublardise des situations, déconcertant sans discontinuer les spectateurs tout en provoquant leur empathie. Le burlesque des situations, la justesse de l’interprétation des acteurs, l’intelligence de la satire sociale, le glamour de la reconstitution et la luminosité de la photographie font de cette adaptation cinématographique d’un classique du théâtre de boulevard une comédie joyeuse et hilarante. Mais si le public rit de bon cœur, c’est avec ces personnages attachants, même si certains sont exécrables, mais jamais rire à leur sujet ! Ozon semble bien parti pour décrocher une récompense.
A consommer sans modération en cas de bleu à l’âme ou de spleen saisonnier !

Firouz-Elisabeth Pillet