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Film de décembre 2008 : “The Visitor“

Tom Mac Carthy s’attaque au thème ultra-sensible de l’immigration.

Article mis en ligne le décembre 2008
dernière modification le 20 février 2012

par Antoine GOECKING

The Visitor


de Tom Mac Carthy, avec Richard Jenkins, Hiam Abbas, Haaz Sleiman et Danai Gurira

Attendez… Vous, si vous étiez veuf, professeur proche de la retraite, faisant semblant de rédiger un cours, faisant semblant d’être submergé de travail, faisant semblant d’être le co-auteur d’un livre sur lequel vous n’avez fait qu’apposer votre signature, mangeant tous les soirs sans entrain votre insipide bol de céréales, bref n’étant que l’ombre de vous-même dans un train-train mou, morne et monotone ; lorsque vous vous trouvez nez-à-nez avec un jeune couple qui squatte votre petite résidence secondaire, même si vous ne vous y rendez que rarement, vous faites quoi ? Vous gueulez !!! ! Vous les jetez dehors ! Vous rouspétez pendant des années ! Vous vous défoulez sur quelque chose ou quelqu’un ! Vous appelez la police ! Vous recherchez le fumier qui se fait de l’argent sur votre dos en louant votre appartement à prix d’or à des clandestins trop heureux de ne pas dormir dans les rues de New-York pour oser protester ! Non ?

« The Visitor » de Tom MacCarthy

Eh bien Walter Vale, lui, non. Il fait tout le contraire. Il propose à Tarek, d’origine syrienne, et sa petite amie sénégalaise Zainab, étrangers clandestins, de rester chez lui. Touché par sa gentillesse, Tarek, musicien doué, insiste pour lui apprendre à jouer du djembe. Peu à peu, Walter retrouve une certaine joie de vivre, et tandis que les deux hommes deviennent amis, les différences d’âge, de culture et de caractère s’estompent. Mais, la vie est ainsi faite, le lien d’amitié est de matière fragile…
Grand Prix du Festival du cinéma américain de Deauville 2008, Sélection officielle au Festival de Sundance 2008 et prix d’interprétation masculine au Festival de Moscou pour Richard Jenkins, la première séquence de The Visitor, de par sa douceur presque mélancolique tellement nos grandes villes cosmopolites en sont dépourvues (de douceur, donc), nous invite à nous immerger dans un conte humaniste. “C’est toujours difficile de savoir précisément quel est le point de départ d’un film”, explique le scénariste et réalisateur Tom McCarthy. “J’accumule pas mal d’idées que je garde dans un coin de ma tête, et puis je ressors celles qui me semblent les plus significatives.” Et les scènes, pour beaucoup émouvantes, se succèdent. Ce film qui pourrait rapidement tomber dans un genre mélodramatique “bien-pensant” – c’est vrai qu’il n’en est jamais très loin – pourtant n’y bascule jamais, grâce à l’habileté et la délicatesse du scénario, du casting et de la prestation des comédiens.
Tom McCarthy a enthousiasmé Hollywood avec son premier, The Station Agent, petit film indépendant qui a suscité beaucoup de commentaires élogieux. Le ministère des Affaires Etrangères américain a même incité le réalisateur à montrer ce film au Moyen-Orient dans le cadre d’un programme culturel de rapprochement entre les peuples. C’est au cours de ce voyage que McCarthy s’est mis à réfléchir au gouffre insondable qui sépare les Américains du reste du monde. “Je me suis retrouvé à Oman et au Liban”, confie-t-il. “J’ai été frappé de constater à quel point je ne connaissais rien sur cette région, ses habitants ou leur culture. Pourtant, notre pays a une très forte présence politique et militaire. Mais à force d’entendre ou de lire des informations dramatiques sur cette région, on en oublie qu’il y a des êtres humains qui sont touchés (…).”
Ce n’est donc pas par hasard que parmi les thèmes abordés figure celui ultra-sensible de l’immigration. De retour à New-York après son voyage au Moyen-Orient, McCarthy s’est mis à fréquenter la communauté arabe de la ville. Au cours de ses recherches, il entend parler d’un jeune homme incarcéré dans un centre de détention pour immigrés sans papiers. Il rend ensuite visite à des détenus et apprend que la plupart d’entre eux n’ont pas d’avocat. “Il ne s’agissait pas de s’ériger en procureur et d’affirmer que ceci était bien, et cela ne l’était pas, mais plutôt d’aborder cette situation avec empathie et compréhension”.
Ainsi l’un des producteurs du Visitor, Mary Jane Skalski, qui avait déjà produit The Station Agent, avait été frappée par l’humanité et l’espoir qui imprègnent le scénario : “C’est l’histoire de quatre personnages dont les parcours se croisent, et dont la vie bascule totalement suite à ces rencontres. Le film parle du désir de se dépasser pour changer nos vies, de l’abnégation pour y parvenir ; du fait que la plupart des choix qui font dévier nos vies sont arbitraires. C’est ce qui rend la vie aussi merveilleuse, pas vrai ?

Antoine Goecking