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Film d’octobre 2010 : “Lo mas importante de la vida es no haber muerto“

Ce film est le fruit d’un collectif de trois auteurs-réalisateurs suisses et espagnols.

Article mis en ligne le octobre 2010
dernière modification le 23 septembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Lo mas importante de la vida es no haber muerto


(le plus important dans la vie, c’est de n’être pas mort), de Olivier Pictet, Mario Martin Torrado et Marc Recuenco, avec Emilio Gutiérrez, Francisco Nortes, Mercè Montalà, Carles Arquimbau. Coproduction Suisse-Espagne, 2010.

Jacobo (interprété par Emilio Gutiérrez, primé deux fois aux Goyas, équivalents espagnols de la Palme de Cannes), accordeur de pianos, mène une vie paisible avec sa femme Helena depuis une cinquantaine d’années. Les pianos qui lui résistent semblent miraculeusement accordés au réveil de Jacobo, qui attribue ces miracles à l’intervention divine, jusqu’au jour il croit perdre la tête en surprenant un inconnu dans son salon ou en entendant des bruits dans sa maison. Helena le rassure, affirmant qu’il est sujet à des hallucinations. D’ailleurs, Helena semble distante et peu compréhensive mais le médecin de famille l’invite à révéler son secret. La vie de Jacobo n’est plus aussi paisible, ses convictions s’effondrent le temps d’une révélation. Sur fond de franquisme – période trouble de l’histoire espagnole, faite de trahisons, de distorsion de la réalité et d’exactions politiques –, le film s’annonçait bien. On espérait que le secret – qu’on ne peut révéler au risque de déflorer le film – d’Helena permettrait d’explorer cette page sombre du XXe siècle espagnol. Hélas, il n’en n’est rien. Le franquisme ne sert que de prétexte et laisse au spectateur l’impression d’avoir été floué sur le propos.

« Lo mas importante de la vida es no haber muerto » de Olivier Pictet, Mario Martin Torrado et Marc Recuenco

Les réalisateurs soulignent que leur intention était d’explorer le monde du mensonge, du doute et de la vulnérabilité à travers la désintégration du système de croyances qui a bercé et conforté Jacobo dans ses certitudes pendants plusieurs décennies. L’intention est louable mais le film ne parvient pas à convaincre. Pourtant, le générique d’ouverture augure de belles trouvailles, rappelant les dédales des tableaux d’Escher. D’ailleurs, un paysage escheresque sert de décor à ce récit où deux mondes entrent en collision et où les illusions se perdent mais, à nouveau, ce clin d’œil graphique n’est que prétexte. La demeure est à la fois abri et abysse, refuge et gouffre. Cette dualité se retrouve ainsi durant tout le film entre la vie à la surface (Jacobo) et la vie souterraine (Gerard).

Le film regorge de pistes intéressantes qui restent inexploitées, et ne démarre vraiment jamais, laissant un sentiment d’immense frustration. Les spectateurs helvétiques se plairont à reconnaître dans la dernière séquence “l’île à l’arbre“ qui trône au bout du Lac Léman, à hauteur de Villeneuve. Reste à mentionner que ce film est le fruit d’un collectif de trois auteurs-réalisateurs suisses et espagnols, OLPAMA diversion Films (OLPAMA pour OLivier Pictet, Pablo Martin Torrado et Marc Recuenco). Le premier est spécialisé dans la photographie et l’esthétique ; le second dans le scénario et la direction d’acteurs ; le troisième pour la structure narrative et la décoration. Et le tout réalise ici son premier long-métrage, après plusieurs courts et un documentaire. Leur intention affichée et assumée est de proposer un cinéma fantastique, comique, absurde, magique et onirique. Sur ces points, leur premier long atteint ses cibles mais il leur reste à opérer des choix, à oser explorer certaines voies à peine effleurées, à renoncer à d’autres, bref, à canaliser leurs intentions. Vu leur bagage et leur diversité culturelle, on peut leur laisser une seconde chance…

Firouz-Elisabeth Pillet