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Film d’octobre 2010 : “Le bruit des glaçons“

Face-à-face entre un homme, quadragénaire, et son cancer : une audace...

Article mis en ligne le octobre 2010
dernière modification le 23 septembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Le bruit des glaçons


de Bertrand Blier, avec Jean Dujardin, Albert Dupontel, Anne Alvaro, Myriam Boyer, Christa Théret. France, 2010.

Charles, écrivain alcoolique, quitté par femme et enfant, a l’inspiration en panne depuis de nombreuses années. Un jour, il reçoit une visite singulière et progressivement envahissante : son cancer sonne à la porte de sa demeure provençale et ne le quitte plus d’une semelle. S’instaure alors entre Charles et son cancer – incarné par Albert Dupontel – une relation amour-haine faite de non-dits, de complicité, de colère et de silence. Charles apprivoise cette présence tentaculaire à grand renfort d’introspection et d’acceptation jusqu’au jour où l’amour surgit… L’affiche du film est accrocheuse, provocante, comme à l’accoutumée chez Blier : « Un film mortel ». Le ton est donné, le cinéaste a conservé son goût de la provocation même s’il paraît moins virulent depuis quelques années, depuis que ses grands succès sont entrés dans les encyclopédies du septième art.

« Le bruit des glaçons » de Bertrand Blier

Ce face-à-face entre un homme, quadragénaire, écrivain de renom, et son cancer représentait une audace, voire une prise de risque. Pourtant, le cinéaste s’en étonne : «  Parler du cancer aujourd’hui, c’est une conversation qu’on a tous, car on y est tous confronté. » Avouer publiquement son cancer est d’ailleurs devenu tendance auprès des stars : Kylie Minogue, Bernard Giraudeau, Laurent Fignon, et plus récemment encore, Michael Douglas, le visage émacié, parlait ouvertement de son cancer de la gorge.

Mais le propos de Blier se veut combatif, résistant, voire résiliant : « La seule chose à faire, c’est de se battre et de bien se soigner (…) je le dis, fort de mon expérience. » En effet, aucun signe de résignation n’affleure dans le film de Blier, mais plutôt une complicité croissante entre l’homme et son cancer, un tandem déconcertant qui amène l’écrivain à explorer les méandres de son passé. La connaissance empirique de la situation permet au réalisateur de transcrire des dialogues pertinents, justes. Le cinéaste, qui n’avait plus tourné depuis cinq ans, reçoit avec ce dernier film le soutien de la ligue contre le cancer qui espère que ce film permettra à la société de changer le regard qu’elle porte sur le cancer et les personnes qui en sont atteintes.
En cinq ans d’absence cinématographique, Blier n’a pas chômé : il a écrit quelques scénarii, une pièce et a beaucoup réfléchi au cinéma. Il entendait des commentaires désobligeants à son sujet, du genre « Blier, monument décati du cinéma français ».

Au lieu de s’en apitoyer, le cinéaste s’est senti stimulé, “boosté“ par ces réflexions, prenant le parti de faire un film moins ambitieux, moins esthétique, mais où la photographie – et par conséquent la luminosité du film – prime ; « Finis, les grands travellings latéraux du cinéma de Resnais. Ici, tout a été fait à la steadycam qui permet une fluidité et un naturel qui allaient bien avec l’histoire. » Une façon de filmer plus proche des acteurs, mais encore faut-il que ceux-ci soient au rendez-vous et là le bât blesse. Dujardin dans un contre-rôle s’en sort de justesse et nous persuade définitivement qu’il est fait pour la comédie. Dupontel fait du “Dupontel“, rappelant ses rôles dans La maladie de Sachs, ou Deux jours à tuer ; heureusement, les femmes sauvent la mise, tout particulièrement Anna Alvaro, majestueuse. On peut encore reprocher à Blier de pratiquer une certaine caricature en établissant des différences presque grossières entre le cancer de riche (Dupontel) et le cancer de prolétaire (Boyer). Le Bruit des glaçons laisse une sentiment d’inachevé, proposant un objet insolite, hors du temps, et surtout hors de notre espace, bien que le cancer demeure le mal du siècle. Cette impression de cible manquée provient-elle du rythme cassé que Blier a donné à son film ?, un film qui défile devant nos yeux sans jamais vraiment démarrer...

Firouz-Elisabeth Pillet