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Film d’avril 2011 : “Les femmes du 6e étage“

Avec Les femmes du 6e étage, Philippe Le Guay nous propose une comédie colorée.

Article mis en ligne le avril 2011
dernière modification le 26 août 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Les femmes du 6e étage


de Philippe Le Guay, avec Fabrice Luchini, Sandrine Kiberlain, Natalia Verbeke, Lola Duenas, Carmen Maura. France, 2011.

Dans le Paris des années 60, la vague d’émigration la plus importante est celle des Espagnols, surtout des femmes qui viennent tenter leur chance dans la capitale française comme femmes de ménage ou gouvernantes, laissant leur famille survivre dans l’Espagne franquiste. Jean-Louis, agent de change rigoureux et père de famille bourgeoise ´coincé, découvre qu’une joyeuse cohorte d’Espagnoles vit... au sixième étage de son immeuble bourgeois haussmannien. Maria, la jeune femme qui travaille sous son toit, lui fait découvrir un univers insoupçonné et méconnu, fait de joie de vivre et d’exubérance, ponctué par les rires et les chants folkloriques, à l’opposé des manières guindées et de l’austérité de son milieu ! Touché par ces femmes pleines de vie et qui ne se plaignent jamais de leur situation précaire, il est exaspéré par sa femme qui se lamente de ses journées exténuantes entre parties de bridge, soins de pédicure et essayages chez le couturier. Las d’une vie faite de vacuité affective et relationnelle, Jean-Louis se laisse emporter par l’enthousiasme communicatif de ses voisines et goûte avec émotion, pour la première fois, aux plaisirs simples de la vie.

« Les femmes du 6e étage » de Philippe Le Guay
© Praesens films

Entre le cinéaste Philippe le Guay et le comédien Fabrice Luchini, on peut dorénavant parler d’une véritable “histoire d’amour“. Tous deux ont scellé leur “union“ en 1995 avec L’année Juliette, avant de se retrouver, huit ans plus tard, pour Le coût de la vie. Après avoir tourné Du jour au lendemain, en 2006, avec Benoit Poelvoorde, Philippe Le Guay retrouve son acteur fétiche pour Les femmes du 6e étage, une comédie colorée et ensoleillée qui aborde des sujets de société douloureux et parfois dramatiques comme l’immigration, le déracinement, le racisme, les préjugés, le tout sans sombrer dans les clichés faciles.
Fabrice Luchini n’est plus à présenter ; imprévisible mais immense artiste continuant de nous régaler à chacune de ses apparitions, cinématographiques, théâtrales ou télévisuelles, se nourrissant de sa relation privilégiée avec un public friand de ses facéties, il s’est régalé à interpréter ce bourgeois englué dans un carcan social, et qui s’émancipe au contact de jeunes femmes que rien ne devait l’amener à rencontrer. Avec lui, tout peut arriver, rien ne peut s’anticiper, pas de risque de se lasser. Rien d’étonnant à cela puisque le comédien-caméléon ne cesse d’évoluer, se risquant sur des rivages inconnus, allant toujours plus loin, souvent là où on ne l’attend pas, pour son plus grand bonheur comme pour celui de son public.

« Les femmes du 6e étage »
© Praesens films

Séducteur, cabotin, facétieux, jubilatoire, Luchini rassemble un public toujours plus large qui ne manque aucune de ses apparitions, comme dans les récents films Musée haut, musée bas, La fille de Monaco, Les invités de mon père, Potiche. S’inscrivant en toute logique dans la lignée de ses films, Les femmes du 6e étage offre une nouvelle couleur à sa palette de tonalités. Connu et apprécié pour sa démesure, Luchini joue ici tout en retenue ; sa réserve séduit tout autant que ses frasques habituelles. Pour entourer ce charmeur invétéré, le réalisateur a su regrouper une troupe de femmes bigarrées mais pleines de charme et de fougue communicative ­– Lola Duenas, Carmen Maura, Nuria Solé, Concha Galan, Natalia Verbeke.

Vu le sujet, les risques de brosser un tableau manichéen, opposant patrons et employées, était redoutable mais Philippe Le Guay ne tombe pas dans ce piège. Séparant initialement ces deux mondes que tout oppose, il parvient à les mêler au fil du film, avec subtilité et finesse, sans que les spectateurs ne se sentent manipulés. Il nous épargne la romance entre Maria et Jean-Louis, que l’on croyait deviner, nous laissant comprendre que ce petit bourgeois parisien s’amourache non de cette jeune femme, élément déclencheur certes, mais de sa culture, de son pays, de l’enthousiasme véhiculé par ses compatriotes. Peuplant son film d’une galerie de portraits dignes de Daumier, Le Guay s’offre la possibilité de monter diverses facettes de son histoire, parfois joyeuses, parfois tristes mais toujours émouvantes. Seule ombre à ce tableau fort réussi : une Sandrine Kiberlain bien pâlotte, plus agaçante que convaincante !

Firouz-Elisabeth Pillet