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Film d’avril 2010 : “The Ghost Writer“

Le dernier film de Roman Polanski est adapté de L’Homme de l’ombre, de Robert Harris.

Article mis en ligne le avril 2010
dernière modification le 26 novembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

The Ghost Writer


de Roman Polanski. Avec Pierce Brosnan, Ewan McGregor, Kim Cattrall. Etats-Unis, 2010.

Depuis que les déboires de Roman Polanski concernant une sombre affaire de mœurs datant d’il y a plus de trente ans défraient les “une“ des quotidiens, on attendait avec impatience de découvrir son dernier long métrage, afin de savoir si le génie du cinéaste franco-polonais avait été entamé par le scandale qui l’entoure. Il n’en est rien !
Un ancien premier ministre britannique, Adam Lang, écrit un livre de Mémoires. Son éditeur le trouve bien trop ennuyeux pour le publier tel quel, et embauche un “nègre“ afin de le rendre plus alléchant et surtout plus lisible, donc vendable. La mort subite de ce “nègre“ est le premier élément suspect du film que Roman Polanski adapte de L’Homme de l’ombre, de Robert Harris (Plon, 2007). Pierce Brosnan incarne un homme politique britannique qui voit sa vie basculer le jour où son “écrivain-fantôme“ (brillamment interprété par Ewan McGregor) découvre un scandale. La tragique disparition du “nègre“ paraît accidentelle. On a retrouvé son corps échoué sur une plage. Rapport de police lapidaire et lacunaire : cadavre d’un homme tombé d’un ferry en pleine nuit. Stop. Le défunt était dépressif. Stop. Pas de quoi s’alarmer.

« The Ghost Writer » de Roman Polanski, avec Pierce Brosnan (Adam Lang), Ewan McGregor (The Ghost Writer)
© Pathé Films

Un second nègre est embauché. A peine a-t-il quitté les locaux de la maison d’édition qu’il est agressé et délesté du manuscrit. Ce jeune homme n’est pas spécialement candidat aux embrouilles, mais il a besoin d’argent, et cette corvée est grassement rémunérée. Peu à peu, réalisant que son prédécesseur avait mis le doigt sur des dossiers classés “défense“, il se pique au jeu de l’enquête et s’attelle à découvrir la vérité. Le générique le désigne comme “The Ghost Writer“ - littéralement “l’écrivain fantôme“, autrement dit le nègre. Conservé pour la sortie française, le titre original a le mérite de mettre en valeur l’ambigüité du statut, celui de mort-vivant.
Alors qu’il poursuit la rédaction d’un livre qu’il ne signera pas, le “nègre“ découvre des éléments qui ne figurent dans la version officielle. Au même moment, un scandale éclate : Adam Lang est menacé d’être poursuivi pour crime de guerre, accusé d’avoir aidé la CIA en favorisant l’enlèvement de terroristes islamistes.

Le film captive rapidement, aimante, entraîne le spectateur sur les traces de ce Sherlock Holmes improvisé, dans un récit soutenu par une mise en scène huilée, qui ne laisse place à aucun moment de répit, et maintient un suspense de plus en plus insoutenable, avec photos compromettantes, piste révélée par le GPS d’une voiture de location, poursuite sur un ferry, refuge dans un motel miteux...
Polanski conserve des traits qui lui sont propres : sa méfiance à l’égard des gens de pouvoir, en particulier les politiciens et leurs administrations, son affection pour le personnage du perdant et pour les fins immorales, son goût des atmosphères hitchcockiennes, et sa maîtrise à créer la surprise jusqu’au générique de fin.
Même si le film a été écrit avant l’assignation à résidence de Polanski dans son chalet de Gstaad, les parallèles entre réalité et fiction sont inévitables : par exemple, dans cette scène où, avant de s’envoler pour un pays n’ayant pas signé d’accord d’extradition, l’homme traqué se réfugie dans sa résidence secondaire, prise d’assaut par les médias qui le contraignent à rester confiné dans ses quatre murs. Une sorte de mise en abîme à laquelle on ne peut s’empêcher de penser !

Firouz-Elisabeth Pillet