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Film d’avril 2010 : “Tetro“

Tetro, le dernier Coppola, est un film construit et voulu de A à Z par le cinéaste.

Article mis en ligne le avril 2010
dernière modification le 26 novembre 2011

par François ZANETTA

Tetro


de Francis Ford Coppola avec Vincent Gallo, Alden Ehrenreich, Carmen Maura, Klaus Maria Brandauer. 2h07.

Emettre un jugement critique sur le dernier film de Francis Ford Coppola n’est pas chose aisée. C’est d’abord se soumettre à l’exercice rédactionnel sur un film d’une richesse thématique et formelle étourdissante, c’est ensuite, comme toute critique, prolonger par l’écrit une émotion, dire avec des mots ce que l’image a suscité : interrogations et beautés !
Face à un film de Coppola, le pari critique peut être doublé d’une peur de dire faux ou mal ; tant le cinéaste américain a suscité des émotions cinématographiques parmi les plus fortes de notre existence. Participer alors en spectateur à l’œuvre en marche d’un auteur, c’est la réjouissance intellectuelle et sensorielle de voir une image à l’aune des anciennes. De découvrir ainsi, dans Tetro des thématiques communes, comme des liens sourds et secrets avec la trilogie des Parrains. La filiation, la famille, la force et le respect ! C’est tisser des liens avec Rusty James, la relation entre frères (celle de Mickey Rourke et Matt Dillon) qui rappelle justement celle du nouvel opus. C’est comprendre enfin qu’une œuvre ne se construit pas forcément avec et pour les grands studios hollywoodiens, mais peut s’envisager en arpenteurs, en contrebandiers. Coppola a payé sa liberté : Tetro est un film construit et voulu de A à Z par lui ! Film d’auteur donc, car singulier et solitaire, fier et brillant. Tetro parle justement de brillance, de lumière (cachée ou aveuglante). D’un talent caché que la lumière (noire de la mélancolie) ne peut éclairer totalement ! Il faudra le révéler ! Lumière du cinéma, de la projection, et celle du préambule, où les papillons butent comme lorsque l’intensité des choses se fait trop forte. Cette métaphore filée est au cœur du film qui se réfléchit lui-même face à son miroir d’ombres.

« Tetro » de Coppola, avec Vincent Gallo

C’est enfin l’amour du cinéma qui s’impose à notre regard, comme en référence ! On pense à Kazan, à Michael Powell, à Fellini, même Almodovar semble convoqué (peut-être à travers le personnage incarné par Carmen Maura). Le cinéma décidément mène à tout, et l’œuvre s’ouvre à une lecture multiple et complexe. Noir-blanc saisissant, jeux de contre-jour redoutables, Coppola nous plonge dans l’esprit d’un homme blessé (Vincent Gallo, jambe cassée, en proie aux affres de la création). Coppola filme comme un grand maître qui réaliserait son premier film. Drôle de paradoxe ! Un film qui aurait déjà l’allure d’un classique où le jeune maestro de 70 ans dirait tout, montrerait ses talents comme un livre d’images trop parfait.
C’est à ce moment-là que nous quittons les limbes d’une louange toute dédiée à l’artiste-Coppola et reprenons la lecture du film comme si toutes les qualités de l’œuvre puissantes citées ci–dessus se retournaient contre lui ! Miroir déformant et jeu d’ombres malaisées. Sa volonté farouche, en bravade, d’accentuer souvent les angles de vue (un 45 degré à répétitions) donne au film un aspect quelque peu emphatique et solennel ! Tout semble un peu trop écrit, comme attendu (le dénouement du film). Coppola nous avait habitué a davantage de nuances. Fasciné et bouleversé par une forme formidable, que les écoles de cinéma vont étudier assurément, mais constater que le film nous laisse à distance, comme pétri par tant de style ! Un comble me direz-vous de reprocher à un artiste sa maîtrise formelle. Quand celle-ci péjore le souffle romanesque, on peut le déplorer ! Non sans une certaine tristesse !

François Zanetta