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Film d’avril 2009 : “Gran Torino“

Une fois de plus, Clint Eastwood fait mouche avec un film subtil qui aborde des sujets sensibles : immigration, intolérance, violence, racisme...

Article mis en ligne le avril 2009
dernière modification le 3 février 2012

par Firouz Elisabeth PILLET

Gran Torino


de et avec Clint Eastwood, avec Ashney Her, Bee Vang. Etats-Unis, 2008.

A 78 ans, Clint Eastwood n’a jamais été en aussi grande forme cinématographique que pour son dernier film, Gran Torino, qui marque son grand retour devant la caméra – il est resté absent du grand écran depuis Million Dollar Baby pour lequel il a reçu l’Oscar du meilleur réalisateur. Le réalisateur-acteur est omniprésent, devant et derrière la caméra. Il prête ses traits burinés à un certain Walt Kowalski, un Américain d’origine polonaise, ancien de la guerre de Corée, pétri de préjugés et empli de propos racistes, fâché avec tout le monde, et surtout avec ses voisins de palier. Veuf depuis peu, il partage sa vie avec sa chienne, Daisy, unique confidente. Sa famille, qu’il ne fréquente qu’à l’occasion de rares obligations sociales, semble plus encline à vouloir le parquer dans une maison de retraite. Ses voisins, qui ont le tort, selon lui, d’immigrer en masse d’Asie, subissent ses coups de gueule, ses préjugés, ses colères, ses récriminations. Mise à part la fidèle Daisy, sa seule consolation reste sa vieille Ford Gran Torino (l’authentique voiture de Starsky et Hutch dans les années 70 !), d’un bleu argenté rutilant, flambant et prestigieux souvenir des années passées chez le constructeur automobile. A cet effet, Eastwood a choisi de tourner à Détroit, capitale de l’industrie automobile.

« Gran Torino » de et avec Clint Eastwood.

Eastwood se mue en un vieillard bougon, aux grognements incessants, tellement insupportable qu’il en devient aussitôt attachant. Tous l’adorent. Ses voisins asiatiques comme les spectateurs. La moindre contrariété déclenche chez lui une avalanche de commentaires acerbes, récriminations en tous genres et de critiques. Kowalski est tellement maniaque et coincé qu’il en devient touchant et risible : « marrant », selon sa jeune voisine. Il s’en étonne mais laisse entrevoir, sous sa cuirasse, un semblant d’humanité ; le contact, certes ténu, est établi. Il sait que la mort s’approche, prête à le rappeler sous d’autres cieux ; il devient urgent pour Kowalski de se libérer de ses démons (la guerre de Corée) et de se préparer à partir en paix. Le père Janovich, de l’église du quartier, espère convaincre Kowalski de soulager son âme lors d’une hypothétique confession, mais sa rédemption ne passera pas par le confessionnal. Kowalski découvre à nouveau le seul bien-être qui soit dans l’existence : l’ouverture aux autres et à lui-même.
Comme un grand cru, plus Eastwood vieillit, plus il se bonifie. Il signe ici un scénario subtil et habile, qui se glisse imperceptiblement au cœur des sujets chauds de la société contemporaine : entre immigration, intolérance, violence, racisme et ghettoïsation. La tension est palpable, judicieusement entretenue par une mise en scène efficace, ponctuant les pauses d’humour pour désamorcer le drame croissant. Accompagnant l’évolution subtile d’un homme qui cherche l’apaisement et la sérénité à l’heure ultime de rendre des comptes, à Dieu, à la société, à lui-même. Le père Janovich ne cède pas aux intimidations proférées par Walt et finira par obtenir la confession de celui-ci, promise sur le lit de mort à Madame Kowalski. Walt affronte son passé, un passé qui n’a jamais cessé de le hanter et le torture quotidiennement.
Filmant avec pudeur, sensibilité, délicatesse et doigté, Clint Eastwood revisite les thèmes fondamentaux de sa filmographie. Le métier de réalisateur, encore plus que celui d’acteur, conserve. La muse inspiratrice ne connaît pas de crise pour Clint Eastwood qui n’a pas un moment de répit entre deux tournages et peut fièrement annoncer trois projets déjà bien avancés : Remembering Mark Twain, Hereafter, Untitled Mandela Project.Mark Twain
Tout comme sa créativité, l’homme aux multiples facettes n’a pas pris une ride et peut honorablement revendiquer son rang au panthéon des maîtres du septième art.Mark Twain

Firouz-Elisabeth Pillet