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3e édition
Festival international du Film oriental de Genève

Quelques repères sur le Festival, son impact, et sa programmation 2007.

Article mis en ligne le 1er mars 2007
dernière modification le 29 novembre 2011

par Frank FREDENRICH

La 3e édition du Festival International du Film oriental (FIFOG) aura lieu du
26 mars au 1er avril 2007 au CAC-Voltaire avec des projections décentralisées à Lausanne, au Café-Remor et à Ferney-Voltaire.

Au menu, une quarantaine de films ancrés dans l’actualité brûlante de l’Orient et présentés sous forme de thématiques : femmes, musique et enfance. Interview combinée avec le comédien et producteur Aaron Henri-Sharvit et Tahar Houchi, respectivement, Président et Directeur artistique du FIFOG.

Comment est né le FIFOG ?
Aaron Henri-Sharvit : Le FIFOG est le fruit de la passion, aussi bien du cinéma que de l’Orient, d’un groupe de jeunes Genevois très versés dans l’organisation d’événements culturels et cinématographiques. Des jeunes résolument ouverts aux relations entre l’Orient et l’Occident.

Que signifie l’appellation Festival du Film oriental ? Quels pays englobez-vous dedans ?
A.H-S. : Même si le Festival focalise son intérêt sur le Moyen-Orient et le Maghreb, il ne se restreint point à des frontières géographiques. Nous avons voulu voir en ce mot oriental, la vision du 18e siècle qui incluait aussi l’Extrême-Orient. Pour le moment, nous ne sommes pas intéressés par cela.
Cependant, à la différence des intellectuels du 18e siècle qui opposaient clairement l’Orient à l’Occident, le Festival plaide pour l’effacement des frontières qui ne sont en réalité que mentales. Les cultures des deux régions se fréquentent, se côtoient, s’enrichissent mutuellement. L’apport de l’arabe au français, par exemple, est impressionnant et vice versa. Les récits des Mille et une Nuits ont nourri l’imaginaire occidental tout comme l’esprit des Lumières a été une arme de combat pour beaucoup d’intellectuels de l’Orient.
 

Comment choisissez-vous vos films ? Avez-vous des critères exclusifs ?
Tahar Houchi : Aucunement. On programme tous les films ayant des relations avec l’Orient. Dans ce sens, on aligne les films sur l’Orient – sans regarder la nationalité du réalisateur – et les films réalisés par des Orientaux, peu importe le sujet. Nous cherchons à croiser des regards à même de favoriser la compréhension et la tolérance. Nous cherchons aussi volontairement à ancrer notre programmation dans l’actualité brûlante tout en le saupoudrant avec un brin de cinéphilie et de poésie. 

Pourtant, vous n’êtes pas les seuls sur ce terrain ?
 
A. H-S.  : Nous sommes fortement impliqués avec plusieurs festivals, comme celui d’Amiens, de Dubaï, du Film de l’Intégration de Valencia, du Festival du Film Amazigh (Algérie) avec lequel nous travaillons afin que la Suisse soit l’invité d’honneur à Sétif (ville où Henri Dunant a travaillé)… Cette année, le FIFOG, avec Almaz Production dirigé par Gérald Morin, et le Festival du film de Beyrouth, le FIFOG aura sa soirée à Cannes.

Film “Saddam Hussein“

Ne craignez-vous pas que la manifestation ne finisse par se « ghettoïser » ?
T.H. : Contrairement à certains festivals qui prêchent involontairement la fermeture que porte même leur dénomination, le FIFOG est un festival qui promeut la diversité et la richesse culturelle, cultuelle et linguistique des communautés orientales en Suisse. Dans ce sens, il ne se veut guère communautaire. C’est un non-sens de parler ainsi car le cinéma est justement un outil qui a révolutionné le monde en se présentant comme un langage universel. Parler de cinéma communautaire, voire communautariste, c’est marcher à reculant du sens de l’histoire. Notre festival se veut une fenêtre sur l’Orient et une vitrine pour les cinéastes orientaux.
 

Pourtant la dénomination fait référence à une région ? 
T.H. : En effet, à une région, mais pas à une religion ! Le FIFOG reste aussi ouvert à tous les films ayant des rapports avec l‘Orient, qu’ils soient faits par des Orientaux ou des Occidentaux. En fait, on arrive à cette frontière, extrêmement riche et peu explorée : celle de l’Orient et de l‘Occident. En élaborant la programmation, on se rend compte qu’on montre des films en provenance des cinq continents. La séparation entre l‘Orient et l’Occident, entre l’Islam et le Christianisme, le Judaïsme ou les autres religions paraît absurde étant donné que les historiens des idées savent que les religions sont toutes nées en Orient. Il y a un phénomène de palimpseste très fort qu’un esprit éveillé arrive à déceler avec facilité. La séparation où la création des deux mondes, amplifiée par des théories absurdes comme celle de Huntington, est survenue surtout après les Croisades qu’il faudra étudier sous les angles surtout socio-économiques et politico-historiques. On oublie souvent la richesse et la densité de rapports entre les peuples et les cultures que certains esprits étroits réduisent au conflit. Ce n’est pas un hasard qu’un tel festival, innovateur, le premier en tous les cas en Europe, et qui ose parler de l’Orient ainsi, soit né à Genève, une ville d’ouverture, de paix et de dialogue. L’histoire s’en souviendra, ainsi qu’elle se souviendra des femmes et des hommes qui ont eu le courage et l’intelligence de soutenir un tel projet ouvert sur le monde et sur les autres cultures, à l’instar de la ville qui l’a vu naître.

2007 marque la 3e édition du FIFOG ; quels en seront les temps forts ?
T.H. La troisième édition du FIFOG se veut à la fois ancrée dans l’actualité brûlante de l’Orient qu’ouverte à ce vaste, riche et diversifié champ culturel et historique. Dans ce sens, le Festival a construit sa programmation sur quelques thématiques fortes : La femme derrière la caméra cherche à montrer des réalisations de femmes ou sur les femmes qui les montrent dans la posture d’actrices qui, contrairement à certaines idées reçues, contribuent à la dynamique sociale et historique de leur pays. Il est vrai que ce rôle varie en fonction des pays de l’Orient, mais une chose est sûre : la femme orientale a toujours contribué à la marche de l’histoire. C’est cela que le festival a voulu souligner. Le point de mire de ce programme est l’hommage que rend le Festival à la réalisatrice, scénariste et intellectuelle marocaine Farida Benyazid qui a marqué aussi bien le cinéma marocain que le cinéma mondial. A cette occasion, nous allons présenter son dernier film, La Chienne de Vie de Juanita Narboni, qui raconte l’histoire de Juanita qui a vécu à Tanger au début du siècle passé. Autour de ce programme viennent se greffer plusieurs films sur les femmes comme Allez Yallah ! de Jean-Pierre Thorn ou Les femmes du Mont Ararat de Erwann Briand qui montrent, respectivement, le combat social des femmes marocaines, et des femmes guerrières formant l’aile armée du PKK.

D’autres points forts ?
T.H. Oui. Nous avons aussi voulu ne pas traumatiser notre public avec des films soulignant son impuissance ou éveillant chez lui une culpabilité stérile. Nous avons voulu partager aussi, après avoir discuté avec conscience des problèmes de l’Orient à travers des films comme Saddam Hussein, histoire d’un procès annoncé de Jean Pierre Krief, la beauté de l’Orient en proposant plusieurs films sur la musique. Dans le prolongement de ce programme, on co-organise des soirées musicales comme celle qu’animera Dj Amina à la discothèque Golden Night.
Un autre point fort ou thème qui est devenu cher au Festival est le programme FAN-FAN qui intronise l’enfant comme roi d’une programmation qui lui est dédiée. En collaboration avec la Lanterne Magique, nous présentons deux séances pour enfants dont un brunch le dimanche, en collaboration avec l’Association Nour et les Magasins du Monde, qui précède un film koweitien : Le Fils de la forêt.
A cela viennent s’ajouter quelques thématiques importantes : une série de films irakiens et égyptiens avec laquelle on rend hommage aussi bien à Naguib Mahfouz qu’à la célèbre écrivaine genevoise Laurence Deonna.

Le FIFOG est placé sous le signe du dialogue, de la connaissance mutuelle et de l’intégration ; quelles sections/ quels films illustrent cette volonté dans l’édition 2007 ?
A H-S. Le festival est ancré aussi bien dans l’actualité orientale que dans la cité qui la vu naître, à savoir Genève. Le FIFOG,par son impact médiatique, promeut Genève comme ville de paix, de dialogue et de tolérance et d’intégration. Il n’a pas aussi perdu de vue une autre finalité qui est de mélanger les gens et de provoquer les contacts. Il s’inscrit résolument dans une démarche interculturelle. Plusieurs films de jeunes illustrent cela.

Quel public visez-vous avec cette manifestation ?
 
T.H. Nous visons tout public assez curieux et ouvert à l’idée de changer les idées préconçues que distillent les médias en général, et les journaux télévisés en particulier. Aujourd’hui, l’Orient est à feu et à sang. L’information qui nous arrive vient par le prisme des médias qui reflètent surtout les conflits armés, la violence et les querelles politico-économiques, et omettent du coup une composante importante de ce partenaire privilégié : les sociétés civiles qui sont diverses et variées. Notre volonté est de lever le voile sur ces facettes occultées des sociétés orientales afin de permettre au public de se forger une opinion plus juste, plus en adéquation avec la réalité vécue au quotidien par les populations concernées.
 

Auriez-vous beaucoup d’invités ?
T.H. Parmi nous, entre autres, il aura Jean-Pierre Krief, Farida Benyazid, Jean-Pierre Thorn, réalisateur du film Allez Yallah, le critique marocain Mohammed Bakrim qui vient participer au colloque sur la diversité culturelle à HEI, l’Irakien Saad Salman, réalisateur de Dardmat, la reporter genevoise Laurence Deonna et l’artiste irakien Faik Al Aboudi qui expose ses toiles au CAC-Voltaire.

Entretien réalisé par Frank Fredenrich
 
 
Renseignements sur le site du FIFOG
tel : +41223207878