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Maison des Arts du Grütli à Genève
Festival du film et Forum international sur les droits humains

5ème édition d’un Festival dont le concept est « un film, un sujet, un débat », avec une dédicace à Anna Politkovskaïa.

Article mis en ligne le mars 2007
dernière modification le 17 juin 2007

par Verena GRABSCHEID

La Maison des Arts du Grütli à Genève accueille du 8 au 17 mars 2007 la
5ème édition du Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains (FIFDH) à Genève. Par son concept « un film, un sujet, un débat » des films, des plateformes de discussion et d’autres événements appellent à la
dénonciation des violations des Droits Humains.

Le Comité de direction du FIFDH accueille des représentants de Human Rights Watch (HRW), de l’Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT), de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), d’Amnesty International (AI), et de l’Université de Genève.
En préambule et en parallèle de la quatrième Assemblée générale du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, ce festival crée un lieu d’échanges pour des publics d’horizons variés. Cette édition propose entre autres des thèmes tels que « Violence à l’égard des femmes »,« Multinationales et violation des Droits Humains », « La lutte pour les Droits Humains dans les pays musulmans », « Le microcrédit, une solution face à la pauvreté ? », « La répression des internautes », « Liberté de l’expression : les caricatures de la discorde » ainsi que « Russie : la liberté assassinée – hommage à Anna Politkovskaïa ».
L’actualité nous a tristement montré par le meurtre d’Anna Politkovskaïa en octobre dernier à quel point le respect des Droits de l’Homme n’est pas garanti, et à quel point ceux qui s’engagent en son nom doivent craindre pour leur vie et leur liberté. Cette année, le FIFDH est dédié à la journaliste russe, qui s’est fait un nom comme esprit indépendant et critique. Elle dénonçait inlassablement les violations des Droits Humains en Tchétchénie malgré les menaces contre sa personne. Le Festival se souvient particulièrement de la présence d’Anna Politkovskaïa en tant que participante aux podiums de discussion en 2005. Le public peut de nouveau s’attendre à une panoplie de personnalités très intéressantes. Ainsi participeront entre autres aux différents panels de discussion Robert Menard, Philippe Chabbasse, Driss El Yazami, Serge Avédékian, Rony Brauman, Christine Schuler, Alaa El Aswany, Jean-Michel Servet, Tom Hayden pour en citer seulement quelques-uns.
Dans une interview, dont nous publions un résumé, les responsables du programme du FIFDH, le cinéaste Leo Kaneman et la journaliste Yaël Reinharz Hazan, nous ont expliqué la spécificité de ce festival et ont répondu à quelques questions.

Quel est le but ou le message du Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains ?
Kaneman / Reinharz Hazan : Nous nous trouvons dans une situation particulière comme le festival est situé directement en face du Conseil des Droits de l’Homme. Ce n’est pas par hasard, qu’il a lieu face au Conseil. Le message et le but principal sont la dénonciation des violations des Droits de l’Homme et la mise à disposition d’une plate-forme ouverte à tous. Le festival suit ainsi une double démarche : d’un côté culturel avec la projection de films, de l’autre politique qui s’exprime dans les débats. Il offre ainsi une pluralité de regards et d’approches sur des situations. Nous aimerions sensibiliser le public à la question des Droits Humains et à l’importance de leur respect. Il n’y a pas d’idéologie derrière cet événement, si ce n’est de soutenir les défenseurs des Droits de l’Homme. Le festival ne peut pourtant pas se distancier de la politique, il reste toujours proche de l’actualité.

“Itchkéri Kenti” de Florent Marcie

Quel est l’impact à long terme du festival ? Ce festival, n’est-il pas utopique ?
Kaneman / Reinharz Hazan : On ne peut pas mesurer un impact net ; mais l’idée derrière cet événement n’est pas utopique car il est nécessaire par rapport aux défenseurs des Droits de l’Homme qui ont besoin que l’on parle de ce qui se passe dans leurs pays. L’idée est encore moins utopique, vu que le festival a lieu en face des institutions onusiennes, et même si elles sont critiquées, les défenseurs des Droits Humains peuvent s’appuyer sur un certain nombre de choses, ancrées dans les résolutions onusiennes.

Quels sont les publics cibles ?
Kaneman / Reinharz Hazan : Par le fait d’offrir des forums de discussion ouverts à tout le monde, le festival ne cible pas un public intellectuel en particulier. Les panels de discussion réunissent souvent des personnes aux opinions différentes, voir opposées, et s’avèrent parfois très intenses. La participation du public est en plus une richesse potentielle. Par exemple, nous n’oublions pas la soirée, où une femme rwandaise, assise dans le public, s’est levée pour embrasser le Général Roméo Dallaire* ; celle-ci ayant perdu toute sa famille lors du génocide, « adoptait » alors le général.

Les jeunes sont-ils visés particulièrement ?
Kaneman / Reinharz Hazan : Oui, car manifestement le sujet les intéresse. Nous constatons chaque année qu’un grand nombre du public est constitué par des jeunes, des étudiants. Nous proposons également un programme spécial dédié aux écoles. Lors des séances de film et la rencontre qui s’ensuit avec les cinéastes, des représentants d’ONG ou des victimes de violations des Droits Humains, les élèves obtiennent la possibilité d’échanges et peuvent poser des questions. Dans ce cadre, nous avions invité un ancien enfant soldat qui partageait alors son vécu avec les élèves.

Y a-t-il des liens avec d’autres festivals ?
Kaneman / Reinharz Hazan : Il y a plus d’une vingtaine de festivals au niveau mondial dédiés au sujet des Droits Humains, favorisant des échanges et rencontres. Sans critiquer d’autres approches, Genève se distingue pourtant des festivals « classiques » par son concept « un film, un sujet, un débat ». A partir de l’œuvre artistique du cinéaste, Genève offre en plus le forum de discussion ; c’est sur ce dernier que le Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains se centre.

Pouvez-vous nous parler de la préparation du festival ?
Kaneman / Reinharz Hazan : A part l’actualité qui nous suggère des sujets, nous avons toujours un certain nombre de thèmes récurrents. Ainsi, le thème de la femme, l’économie et les multinationales en font partie, on discutera aussi de l’Irak et de la République Démocratique du Congo. Nous parlerons également de la collaboration de grands opérateurs d’internet avec le pouvoir chinois qui a eu pour conséquence l’incarcération de dissidents – un sujet qui pourra bien intéresser les jeunes. Le choix de films, par contre, nécessite une vraie démarche d’auteur. Le film doit avoir un certain regard sur une situation abordée. Deux prix sont alors décernés : L’un par rapport à la qualité artistique, l’autre encourage l’engagement d’un cinéaste pour la défense de la dignité humaine.

Qui décide du choix du jury ?
Kaneman / Reinharz Hazan : Nous invitons des personnalités qui s’engagent pour les Droits Humains ou qui étaient eux-mêmes victimes de violations. La composition internationale du jury, des cinéastes et des intervenants porte l’intérêt du festival en dehors des frontières genevoises. Il trouve par ce moyen un écho dans la presse internationale, qui se montre bien intéressée et certains médias nous apportent un soutien important.

Quels sont les points culminants cette année ?
Kaneman / Reinharz Hazan : Il est difficile de parler de points culminants car tous les débats s’annoncent intéressants d’autant plus que nous invitons sur les podiums des intervenants de camps opposés. Tel le cas de la Birmanie, où un défenseur des Droits de l’homme sera aussi bien présent que le représentant de Total Birmanie. Mais cette année, le festival est dédié à Anna Politkovskaïa, elle-même étant intervenue lors d’un podium il y a deux ans. La liberté de la presse menacée est ainsi le sujet central de cette édition. Entre autres, une soirée thématique avec des représentants de Reporters sans frontières sera organisée en l’honneur d’Anna Politkovskaïa.

Satisfaction et regard vers l’avenir ?
Kaneman / Reinharz Hazan : Vue la situation des Droits Humains dans le monde, nous ne pouvons pas être contents. La situation des Droits de l’Homme n’a pas changé et nous ne pouvons pas fermer les yeux. Si nous pouvons sentir une certaine satisfaction c’est dans le fait d’avoir mis à disposition une plate-forme de discussion et d’échange entre acteurs et grand public. Sur cette plate-forme se sont rencontrés des différentes ONG, ce qui leur a permis d’échanger et de s’approcher dans un cadre différent avec des échos autres que d’habitude. Cette mise en contact est un résultat très positif et une contribution au travail des défenseurs des Droits Humains. Ce forum est nécessaire pour ce travail, et nous croyons à la continuité du festival, même si le financement n’est pas toujours facile. C’est une manifestation importante qui suscite un grand intérêt auprès du public que le festival veut sensibiliser et interpeller à dénoncer les violations des Droits Humains.

Propos recueillis par Verena Grabscheid

Le Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains (FIFDH) a lieu du 8 au 17 mars 2007 à la Maison des Arts du Grütli.
Pour le programme détaillé, veuillez consulter le site internet : (http://www.fifdh.ch/)
* Le général canadien était commandant de la très petite troupe onusienne présente au Rwanda à l’époque du génocide en 1994.