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A propos du film « Les Grandes Personnes »
Entretien : Jean-Pierre Daroussin et Anna Novion

Jean-Pierre Daroussin et Anna Novion se prêtent au jeu des questions-réponses au sujet du film Les grandes personnes.

Article mis en ligne le novembre 2008
dernière modification le 4 décembre 2008

par Firouz Elisabeth PILLET

Premier film pour la jeune réalisatrice Anna Novion, Les Grandes Personnes
est une comédie dramatique faite de nuances comme les paysages de cette île suédoise sur lesquels les personnages baladent leurs doutes et leurs envies. Rencontre avec une réalisatrice sereine et son personnage principal, Jean-Pierre Darroussin, qui se dit fier d’avoir participé à ce film singulier et touchant.

Anna Novion, votre film semble a priori une comédie même si des moments plus intimistes, introspectifs, ne le cantonnent pas qu’à ce registre ?
Tout le monde n’arrête pas de dire que c’est une comédie, je vais donc finir par y croire. C’est difficile pour un réalisateur de classer son film. On n’en a pas très envie d’ailleurs. Les Grandes Personnes se veut proche de la vie. Il y a des moments drôles, d’autres moins. C’est fluctuant, comme dans la vie. La situation de départ est une situation comique mais les personnages progressent et avancent. Pour progresser, il y a toujours un moment douloureux. Cela me fait plaisir que vous y ayez vu un aspect plus dramatique.

« Les Grandes Personnes » d’Anna Novion

Jean-Pierre Darroussin, avez-vous immédiatement été séduit par le scénario ?
On a envie que notre film soit complexe, avec plusieurs couches. Là, c’est le cas... Le film est drôle, donc qui dit drôle dit comédie. Mais derrière un moment drôle, il y a du vague à l’âme... Je trouve que c’est un film beaucoup trop riche pour le réduire à un simple étiquetage. Il aborde plein de genres mais en nuances. C’est un film élégant ! J’ai tout de suite accepté car j’aime découvrir de nouveaux talents et soutenir leur créativité.

Anna Novion, vous avez choisi de tourner en Suède, pour sa luminosité et vous rapprocher de vos origines ?
Ma mère est Suédoise. Je parle la langue et je connais bien la culture suédoise. Je passe mes étés là-bas sur une petite île dans le Sud. Ces paysages m’inspirent énormément et j’avais envie de déplacer des personnages français dans un paysage lointain dans lequel ils n’auraient aucun repère. Tourner en Suède était un bon compromis car c’est à la fois un pays que je connais bien mais sur lequel je pose toujours un regard d’étrangère. La Suède me surprend encore et je crois que c’est important d’être impressionné quand on tourne.
Le fait qu’aucun des comédiens ne connaisse le pays les a immédiatement placés dans un état d’esprit différent de ce qu’ils auraient ressenti en tournant à Paris. Je trouve que ça se ressent dans leur jeu. D’ailleurs, ce qui est drôle, c’est que Jean-Pierre et Anaïs (ndlr Anaïs Desmoustier qui incarne la fille de Jean-Pierre Darroussin) étaient proches de l’état d’esprit de leurs personnages respectifs. L’île où se déroule le récit est un personnage à part entière.

Jean-Pierre Darroussin : J’ai été émerveillé par la Suède, par sa culture, sa rigueur et ses paysages. J’apprécie la proximité de la mer, un élément très important en Suède. Etre dans une autre quotidienneté change beaucoup de choses. Nous étions un peu coupés du monde, vaguement reliés par le téléphone et Internet à notre vie habituelle. Loin de nos repères. Il y avait un plaisir de la rencontre. On était un peu comme en colonie de vacances. On avait une énergie et un enthousiasme liés à la découverte, à la nouveauté... Et puis les Suédois sont très accueillants et la région très douce, très apaisante. Une source d’énergie pour jouer.

Cette île est un véritable protagoniste ?
Mon film est composé de tableaux. En effet, le paysage joue un rôle très important. C’est le cinquième personnage du film. Je voulais voir comment les contrées suédoises peuvent être très apaisantes, mais parfois aussi menaçantes. Je voulais jouer sur cette ambiguïté. Mes paysages sont parfois une métaphore des états d’âme des personnages. Au début les personnages arrivent dans une jolie maison rouge, puis avec l’évolution de leurs états d’âme, les paysages deviennent plus sombres, plus inquiétants.

Parlez-nous de la direction d’acteurs ?
Les choses se sont passées assez facilement. Les comédiens étaient très à l’écoute, ils m’ont mis en confiance. Je savais précisément ce que je voulais. J’avais rencontré les comédiens très peu de fois mais je leur avais raconté beaucoup d’anecdotes sur les personnages, sur ce qui leur était arrivé avant le début du film. Je voulais qu’ils puissent s’approprier leur personnage pour être plus libres. Ils ont aimé l’aventure. Tout le monde s’est pris au jeu.

Que retenez-vous de cette expérience suédoise en tant qu’acteur ?
Il y a une émotion particulière. Anna avait pris conscience du fait qu’elle était en train de réaliser son premier film. Il y a toujours un supplément d’émotions la première fois. Ça crée une ambiance particulière sur le tournage : tout le monde est attentionné, il y a une jubilation intérieure qui est plus importante et qu’il faudrait pouvoir retrouver à chaque fois. Quand on est acteur, on est aussi là pour travailler et accorder sa confiance, participer à la fabrication d’un film, réfléchir à la mise en valeur d’une scène et là quel que soit le nombre de films que le réalisateur a à son actif, les mêmes questions se posent. Quand il s’agit d’un metteur en scène qui en est à son premier film, ça nous fait encore plus plaisir de lui faire plaisir. C’est un film qui déborde d’amour dans chaque plan, paysage, ou scène. Un film fait avec des kilos d’amour. C’est un film qui me fait plaisir, qui dénote dans le paysage français. Il me fait penser à l’élégance de certains films britanniques. Je suis très fier d’être dans ce film. Et surtout, je me sentais proche de mon personnage puisque j’ai moi-même des enfants adolescents. Je me retrouve dans le rapport que j’entretiens avec mes propres enfants, des adolescents. Comment je peux moi aussi être casse-pieds parce qu’en tant que père, mes désirs et mes enthousiasmes sont souvent maladroits. Ça arrive à tous les parents d’être en décalage et de s’imaginer que la culture et les expériences qu’on a accumulées vont pouvoir faire gagner du temps à notre progéniture. On oublie que nos enfants doivent eux-aussi apprendre par eux-mêmes.

Propos recueillis par Firouz-Elisabeth Pillet