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A propos de {Bienvenue chez les Ch’tis} de Dany Boon
Entretien : Dany Boon

Rencontre avec le réalisateur Dany Boon qui évoque pour nous la genèse de son film.

Article mis en ligne le avril 2008
dernière modification le 1er mai 2008

par Firouz Elisabeth PILLET

Philippe Abrams est directeur de la poste de Salon-de-Provence. Il est marié à Julie, dont le caractère dépressif lui rend la vie impossible. Pour lui faire plaisir, Philippe fraude afin d’obtenir une mutation sur la Côte d’Azur. Démasqué : il sera muté à Bergues, petite ville du Nord.
Pour les Abrams, sudistes pleins de préjugés, le Nord cette mutation rime est un vrai cauchemar. Philippe se résigne à partir prendre son nouveau poste, se sacrifiant pour Julie et leur fils qui restent au soleil. La réalité sera tout autre…. Rencontre avec le réalisateur Dany Boon.

Quelle est la genèse de ce deuxième long-métrage ?
L’idée de Bienvenue chez Les Ch’tis, je l’ai eue avant de faire mon premier film, La Maison du Bonheur. Mais je voulais d’abord voir si j’étais capable de réaliser un film, car je ne voulais pas échouer avec un sujet qui comptait beaucoup pour moi. Tous les sujets sont importants, mais celui-là l’est vraiment : c’est mon enfance, c’est ma région, c’est un hommage à ma mère, mes frères. L’idée du film est partie de la vision qu’ont ceux qui ne connaissent pas le Nord-Pas de Calais. Ces Français qui ont une vision très négative et terrible de la région, que ce soit sur la pauvreté, le désespoir, le chômage ou les mines, la rusticité prétendue des gens. D’où l’envie de faire une comédie très humaine, dont le personnage principal, n’étant pas originaire du Nord, va découvrir la culture ch’timi, l’environnement ch’timi, l’humanité des gens du Nord, le sens de l’accueil et de l’hospitalité, la solidarité propre aux gens du Nord, la culture du partage. Tout ce que résume ce proverbe : un étranger qui vient dans le Nord pleure deux fois, quand il arrive et quand il repart. Je savais que je ne ferai pas deux films comme ça, sur le Nord, sur l’essence même de ce qui fait qui je suis. Donc c’est un film pour moi qui est très, très important. Un film d’auteur populaire.

« Bienvenue chez les Ch’tis »

Comment s’est passée l’écriture ? N’aviez-vous pas peur de forcer les clichés ?
J’ai écrit seul pendant une année, au bout de laquelle j’ai eu l’histoire, les personnages et bon nombre de scènes qui sont dans le film. De nombreux personnages sont directement inspirés de ma propre famille ; le rôle du postier carillonneur de beffroi est l’histoire de mon oncle maternel. Puis, j’ai eu envie de partager avec d’autres auteurs, en l’occurrence Franck Magnier et Alexandre Charlot. Je connais Franck Magnier depuis l’époque où il écrivait des sketches. Franck est du Nord et c’est lui qui m’a présenté Alexandre Charlot, qui n’est pas du Nord mais marié à une Ch’timie. Ce sont des scénaristes très doués, on a travaillé ensemble de manière très constructive. On a mis trois mois pour avoir un scénario définitif que nous avons retouché jusqu’au dernier moment. La principale difficulté était de faire une comédie de tout ça. C’est là que j’ai beaucoup galéré pendant un an ! Au théâtre, quand je fais des personnages de la région, c’est plus simple car je suis dans l’autodérision. Je fais des sketches sur des personnages qui sont caricaturaux, exagérés, mais c’est une convention et l’on en rigole. Au cinéma, c’est plus délicat parce qu’on montre, on est dans la réalité, il faut que ce soit crédible. Or j’ai un personnage principal qui a une vision apocalyptique du Nord : celle des gens que j’ai rencontrés en 15 ans de tournée dès que j’étais au sud de Paris ! Les clichés, je les ai tous servis mais pour mieux leur tordre le cou, et montrer une autre réalité du Nord et de ses habitants.

« Bienvenue chez les Ch’tis »

Le rôle principal est confié à Kad Merad ; avez-vous écrit en pensant à lui ?
Je n’ai pas du tout pensé à lui au départ. Il y avait plein d’acteurs qui pouvaient jouer le rôle. Nous avons fait une liste, et puis à un moment Richard Pezet, de Pathé, a proposé Kad. Et j’ai dit « mais oui bien sûr ». Je l’aime beaucoup. Je l’avais aimé dans Je vais bien, ne t’en fais pas. Richard lui a donné le scénario et le lendemain, après l’avoir lu, Kad m’a appelé pour me dire : « C’est formidable cette histoire, c’est très drôle, j’adore ». J’étais très content. On a discuté du rôle, de ce que je voyais du film et puis c’est parti. Kad s’est approprié le personnage merveilleusement, humainement et profondément. Il est rentré dans mon film comme on rentre dans une grande aventure humaine.

« Bienvenue chez les Ch’tis »

Et le reste de la distribution ?
Quant à Line Renaud elle était très heureuse, elle a ri énormément quand je lui ai dit qu’elle jouerait le rôle de ma mère. Sauf que ma mère est moins possessive ! (rires) Line s’est entraînée à parler Ch’ti, elle a été surprise de voir que ça lui revenait, elle vient d’Armentières comme moi. Pour Stéphane Freiss, c’est ma femme Yaël – qui est d’ailleurs de la région genevoise - qui a eu l’idée. C’est un rôle de grand flippé, et il le joue à merveille. C’est un acteur très, très riche, généreux, et très anxieux sur son jeu. Michel Galabru, c’était une évidence ; c’est Gérard Moulévrier - le casting director du film - qui en a eu l’idée. Et je l’ai tout de suite voulu. Quand Michel a commencé à dire son texte - qu’il savait au rasoir ! - tout le monde sur le plateau s’est mis à pleurer de rire et je me suis dit : « Quel bonheur ! ». Pour le rôle de la femme de Kad, je cherchais une fille du Sud. L’agent de Zoé Felix m’avait affirmé qu’elle était du Sud. Or quand Zoé est arrivée au rendez-vous, elle m’a dit : « Je suis de Paris ! Mais je peux prendre l’accent ! ». Comme je l’avais aimé dans Déjà Mort et dans Le Coeur des Hommes, que c’est une belle femme et une très bonne actrice, je me suis dit qu’elle serait parfaite pour le rôle. Pour interpréter la clique des Ch’imis, il me fallait d’authentiques acteurs du Nord. J’avais vu Anne Marivin, qui joue ma femme, dans des petits rôles. Elle est d’origine picarde, très pétillante, elle a beaucoup de charme, elle sait être drôle, délirante. Elle se fout de son image ! Pourtant je l’ai habillée Coron, je lui ai mis les cheveux gras sur le côté... Elle a un look terrible, elle est très enlaidie et néanmoins elle a adoré jouer ce personnage ! Guy Lecluyse, je le connais depuis que je suis arrivé à Paris, à l’époque il faisait un one man show. C’est un acteur génial. Génial. Philippe Duquesne est un acteur rare. Il s’approprie le texte d’une manière très étonnante, très inattendue, et j’adore ça.

« Bienvenue chez les Ch’tis »

Vous avez passé plusieurs mois à tourner dans votre région ; comment s’est déroulé de ce tournage ?
J’étais toujours aussi impressionné, aussi ému, d’autant que ce projet me tenait particulièrement à cœur. J’étais dans une aventure humaine très forte, j’ai dirigé ça, on est tous allé dans la même direction et chacun a mis tout ce qu’il pouvait de son talent pour que ce soit parfait. Pour moi, c’est la définition même du cinéma. Après on doute, on se trompe ou l’on réussit. Par rapport à mon premier film, j’avais peur. J’ai plus maîtrisé l’ensemble, et ça se voit à la cohérence du film, il a la forme que j’ai voulu lui donner.
Les gens affluaient pour assister le tournage, mais dans un très grand respect. Ils nous ont manifesté leur joie d’être au centre d’un film.

Propos recueillis par Firouz-Elisabeth Pillet