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En direct de Cannes 2011 : “La conquête“

Avec La Conquête, Xavier Durringer retrace l’ascension vers l’Élysée de Nicolas Sarkozy.

Article mis en ligne le 21 mai 2011
dernière modification le 29 octobre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

La conquête


de Xavier Durringer, avec Denis Podalydès, Florence Pernel, Bernard Le Coq. France, 2011.

Sorti sur les écrans romands depuis mercredi, quasiment simultanément avec la projection cannoise, La Conquête de Xavier Durringer retrace la marche vers l’Élysée de Nicolas Sarkozy. Un film empli d’humour, audacieux, mais qui évite, hélas, de s’aventurer trop loin dans le propos politique.
Rappelez-vous : le 6 mai 2007, au second tour de l’élection présidentielle. Alors que les Français s’apprêtent à élire leur nouveau Président, Nicolas Sarkozy, sûr de sa victoire, reste cloîtré chez lui, en peignoir, sombre et abattu. Toute la journée, il cherche à joindre Cécilia qui le fuit. Les cinq années qui viennent de s’écouler défilent : le film retrace ces cinq années ascensionnelles vers l’eldorado tant convoité, dévoilant les coulisses insoupçonnées de l’inéluctable ascension de Sarkozy, semée de coups tordus, de coups de gueule et d’affrontements en coulisse. La Conquête : L’histoire d’un homme qui gagne le pouvoir tout en perdant sa femme... mais cette facette, les Français la découvriront après les présidentielles. Dans la pure tradition française, les secrets d’alcôve sont soigneusement gardés, histoire de ne pas assombrir des augures si favorables.

« La conquête »

C’est la première fois dans toute l’histoire du cinéma français qu’un film de fiction est réalisé sur un président de la République encore dans l’exercice de ses fonctions. Aux États-Unis, Oliver Stone avait déjà tenté le pari avec W. - L’improbable Président autour de George W. Bush, dont le second mandat n’était pas encore achevé au moment de la sortie du film.
Ainsi donc, le film de Durringer aborde ces années décisives, tel un western, avec la dure réalité des sentiments derrière le pouvoir, une histoire bien réelle, à dimension humaine, avec des personnages bien réels auxquels les spectateurs, comme les électeurs de l’époque, s’identifient aisément. Mais attention, La Conquête, bien que drôle par moments, ne se veut pas une comédie mais une sorte de biopic où l’on observe Sarkozy, président en devenir, qui se prépare, s’affute, s’aiguise, s’apprête à conquérir la Présidence. Ce récit acide relate aussi la fin de l’histoire d’amour entre Cécilia et Nicolas, médiatisée à l’américaine à leurs dépens.
Techniquement, l’exercice de style est abouti et brillamment servi par des acteurs qui ne tombent pas dans l’imitation mais sont bien dans l’interprétation. Certaines répliques sont truculentes et savoureuses : « Je suis une Ferrari, et comme pour une Ferrari, quand on ouvre le capot, on le manie avec des gants blancs. » Les duels ne se font plus à l’épée mais avec des mots, lapidaires, qui servent mieux que toute arme à tuer, à éliminer les rivaux dérangeants, comme Raffarin, passé à la trappe.
Certaines séquences sont émouvantes, magnifiquement incarnées par un Denis Podalydès qui a avoué, lors de la conférence de presse, « une envie irrépressible de jouer ce rôle  ». Pour ce faire, le comédien a appris plus de discours que ceux contenus dans le scenario afin d’avoir la vitesse et l’énergie physique du président, afin de voir l’homme fatigué. En effet, certaines séquences émeuvent, voire bouleversent, comme ce plan qui revient en permanence sur les premières minutes du film où l’on voit Nicolas Sarkozy, le matin du 6 mai en robe de chambre devant sa télé en train de triturer sa bague de fiançailles en comprenant que sa femme Cécilia ne viendra pas voter pour lui devant les caméras.

« La conquête »

A l’heure du déballage de l’affaire DSK, et des débats au sujet des limites entre vie politique et vie privée, le film pose une judicieuse question : la médiatisation de la vie privée. Le cinéaste assure n’avoir subi aucune pression durant le tournage... Allez, on veut bien le croire... Admettons que le processus de création n’a pas été conditionné ni encadré ; le film présente d’ailleurs le combat féroce entre chiraco-villepinistes et sarkozystes de manière quelque peu caricaturale.
Jacques Chirac et Dominique de Villepin semblent méprisants et dénués de sens politique vis-à-vis de leur rival. Tous deux ne comprendraient pas grand-chose à la France ni aux Français et sont réduits à de vulgaires bourgeois conservateurs, farouchement opposés à leur ministre de l’intérieur.
Le portrait que brosse La Conquête de Nicolas Sarkozy n’est guère plus flatteur : ses déboires amoureux le rendent, certes, très humain mais le film le dépeint comme un être manipulateur, arriviste et opportuniste, et surtout, sans conviction ni vision pour la France.
Seul propos pas trop partisan : la vision peu flatteuse des médias, ouvertement décrits comme des girouettes qui tournent leurs tendances au gré des conseillers et des écrivains dans l’ombre de l’Élysée.
Mais ne serait-ce que pour l’admirable jeu des acteurs, le film reste à voir... en attendant le « reality movie » des Présidentielles 2012 !

Firouz-Elisabeth Pillet, de Cannes 2011