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Cinémathèque suisse - mai 2015

Programme

Article mis en ligne le 4 mai 2015
dernière modification le 6 avril 2015

par Raymond SCHOLER

Deux cinéastes à l’affiche de la Cinémathèque suisse en mai : le Français Jean-Pierre Melville, et le Taïwanais Hou Hsiao-Hsien.

Roger Duchesne dans « Bob le flambeur »

Jean-Pierre Melville
Jean-Pierre Grumbach naît en 1917 à Paris dans une famille juive alsacienne. Alors qu’il n’a que six ans, ses parents lui offrent une caméra Pathé Baby : la graine du cinéma est semée. En 1940, il fait partie des soldats français évacués de Dunkerque pendant l’Opération Dynamo. Rejoignant la Résistance, il prend le pseudonyme de Melville en hommage à l’auteur de Moby Dick. Il décrira les pratiques de la Résistance par le menu dans son chef-d’œuvre l’Armée des Ombres (1969). Mais dès son premier long métrage, Le Silence de la Mer (1947), il aborde les relations entre les Français et l’occupant allemand. Le Syndicat des techniciens lui ayant refusé une carte d’assistant stagiaire, parce qu’il n’avait pas de formation idoine, Melville fonde sa propre maison de production et réalise l’adaptation du texte de Vercors en toute indépendance. Plus personne ne lui imposera ses volontés : tout comme Marcel Pagnol, il sera son propre producteur. Dès ses débuts, il se positionne donc comme outsider et, sans s’en douter, comme précurseur de la Nouvelle Vague. Cocteau, qui admire Le Silence de la Mer, lui confie l’adaptation de Les Enfants terribles (1950), ce « livre d’un certain désordre psychologique et sociologique propre aux êtres jeunes » (Jacques Siclier).

Jean-Paul Belmondo et Serge Reggiani dans « Le Doulos »

Avec Bob le Flambeur (1956), un film de gangsters mâtiné d’une comédie de mœurs, « Melville inaugure une ligne qui lui est personnelle : des films de moraliste désabusé, qui exaltent une image qui serait désuète si elle ne composait une mythologie de la virilité et des sociétés d’hommes. Le Doulos (1962), Le Deuxième Souffle (1966), Le Samouraï (1967) sont, après Deux Hommes dans Manhattan (1959, où éclate la fascination du décor américain), les réussites essentielles d’un des auteurs les moins réalistes du cinéma français.  » (Jean-Pierre Jeancolas) Ces polars sont toujours imprégnés de fatalisme : la lâcheté et la trahison deviennent les obsessions primordiales, à l’instar de certains films noirs américains.

Alain Delon dans « Le Samouraï »

Ce n’est guère étonnant : le panthéon personnel de Melville était en effet composé de soixante-trois réalisateurs, tous américains, tous confirmés dès les années trente !

Hou Hsiao-Hsien
Le premier film de ce réalisateur taïwanais, originaire du Guangdong, date de 1980. Melville est déjà mort depuis 7 ans. Quel rapport, demandez-vous ? C’est simple : ces deux cinéastes, c’est comme le jour et la nuit. Si le cinéma de Melville est truffé d’emprunts au polar américain et déroule des récits intensément structurés où loyauté et trahison, égoïsme et générosité, bien et mal sont en lutte perpétuelle selon des schémas quasi ataviques, celui de Hou prétend chroniquer la vie de tous les jours sans jugements, souvent de manière très contemplative, avec un style dégagé de toute recherche de séduction, ce qui implique plans statiques, immobilité narrative, etc. Un parangon de modernité, en somme. Ce qui m’est arrivé avec Goodbye South, Goodbye (1996) n’aurait pas pu m’arriver avec Melville. J’ai vu ce film à sa présentation à la presse au cinéma Richemont. La fine fleur de la critique romande était réunie pour l’occasion, car la réputation du cinéaste était déjà bien assurée grâce à sa trilogie centrée sur la cellule familiale et le passage de l’enfance à l’âge adulte : Un été chez grand-père (1984), Un temps pour vivre, un temps pour mourir (1985), Poussières dans le vent (1986). Et ses deux films historiques, La Cité des douleurs (1989, sur les soubresauts de la grande Histoire à l’époque du Massacre 228 et de la Terreur Blanche du Kuomintang vus par 4 frères) et Le Maître de marionnettes (1993, où un illustre marionnettiste raconte en voix-off sa vie, de sa naissance en 1909 à la fin de l’occupation japonaise en 1945, confrontant la mémoire à l’Histoire, la parole à l’incarnation).

Shu Qi dans « Millenium Mambo »

Rien ne nous préparait à la langueur inouïe, à l’ennui monumental que provoqua la vision de Goodbye South, Goodbye  : une interminable pérégrination de deux cuistres à travers l’île de Formose. À mi-film, je me retournai et constatai que la moitié des spectateurs s’étaient éclipsés. Après 90 minutes, nous n’étions plus que deux. Je ne me souviens plus si l’autre a tenu jusqu’au bout. Depuis ce jour-là, je n’ai plus vu de film de Hou. Il paraît que Les Fleurs de Shanghai (1998) se laisse voir. Sur Millenium Mambo (2001) je n’ai entendu que des horreurs. Sur les suivants, je ne sais plus rien du tout : Caveat emptor !

Raymond Scholer