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Cinémathèque suisse en février 2016

Agenda

Article mis en ligne le 8 février 2016

par Raymond SCHOLER

Coup d’œil sur le Nouveau Cinéma Italien et rétrospective Cronenberg : voilà l’essentiel du programme de la Cinématèque suisse en mars.

Nouveau Cinéma Italien
Après les révélations peu fracassantes sur un soi-disant nouveau cinéma français (janvier-février 2015) et la rétrospective du cinéma portugais (janvier-février 2013), dont le signe marquant semblait être la durée exagérée des films, Frédéric Maire est convaincu que le cinéma transalpin a retrouvé son lustre d’antan, quand bien même le programme du cinéma napolitain (avril-mai 2012) n’était pas probant dans ce sens. Et Youth (2015) de Paolo Sorrentino n’est pas fait pour nous rassurer. Pourquoi, est-on en droit de se demander, cette préoccupation exclusive avec les cinémas latins et si peu d’incursions dans les sphères germaniques et slaves ?

Pippo Delbono, Tilda Swinton et Alba Rohrwacher dans « Io sono l’amore »

Mais trêve de récriminations : réjouissons-nous plutôt des découvertes que nous pourrons faire ! Comme les 7 ou 8 films sortis auparavant en Suisse Romande font vraiment partie du haut du panier cinématographique, on peut espérer que le choix des 23 titres inédits se sera effectué avec le même souci de qualité. Pour mémoire : Io sono l’amore (Luca Guadagnino, 2009) où Tilda Swinton est extraordinaire en mère bourgeoise qui tombe amoureuse du copain de son fils ; Le quattro volte (Michelangelo Frammartino, 2010), une vision poétique des cycles de la vie et de la nature ainsi que d’ancestrales traditions populaires calabraises ; Corpo Celeste (Alice Rohrwacher, 2011), où une ado élevée en Suisse revient en Calabre avec sa mère et doit s’adapter aux curieuses coutumes d’une société traditionnelle ; Miele (Valeria Golino, 2013) sur une assistante au suicide qui pratique en toute illégalité à Rome ; Sacro GRA (Gianfranco Rosi, 2013) qui explore la faune humaine vivant autour de la ceinture autoroutière de Rome ; Via Castellana Bandiera (Emma Dante, 2013), où deux touristes se perdent dans les rues de Palerme et se trouvent bloquées par une voiture engagée en sens inverse qui refuse de bouger ; Stop the Pounding Heart (Roberto Minervini, 2013) où une adolescente d’une famille intégriste remet en question son mode de vie, lorsqu’elle rencontre un jeune homme passionné de rodéo. Quant à Le meraviglie ( Alice Rohrwacher, 2014) sur une petite communauté qui vit des produits de son potager et de ses abeilles, je l’ai trouvé un peu toc. Souhaitons que le programme de la Cinémathèque ne sera pas truffé de telles merveilles frelatées.

Jasmine Trinca dans « Miele »

Intégrale David Cronenberg
Au début de Scanners (1980), depuis l’auditoire d’un centre de recherche, un monsieur très sérieux, télépathe de naissance, regarde droit dans la caméra et propose de démontrer sur une personne consentante sa technique de pénétrer dans les pensées d’autrui. Un autre monsieur sérieux s’offre comme cobaye et va se révéler plus télépathe que le premier. Sans contact physique, il s’introduit de façon si violente dans la tête du premier que celle-ci explose. Cette image choc est la plus célèbre de l’œuvre de Cronenberg et cristallise maints aspects de son univers : le basculement brutal de rapports de force (p.ex. les rapports entre le psychothérapeute et sa patiente dans The Brood (1979)), l’incontrôlable corps étranger qui investit/infecte un organisme institutionnel ou physique (p.ex. le parasite vermiforme et érotisant de Shivers (1975)), la violence qui déforme ou désintègre le corps (voir la transformation douloureuse de Jeff Goldblum dans The Fly (1986)), l’ambiance scientifique (les recherches quelquefois grotesques sur l’organisme humain, p.ex. dans Dead Ringers (1988)). La tête qui éclate dans Scanners est aussi un exemple de la virtuosité de Cronenberg à inventer des images radicales qui mettent en évidence les effets des technologies modernes. Quand le télépathe de Scanners investit par téléphone le « système nerveux » d’un ordinateur et en amène les circuits intégrés à combustion, un liquide noir sort du combiné : le flux de données dans sa forme matérielle. Il n’y a pas de désincarné chez Cronenberg. Toute simulation est contrainte de montrer son corps. C’est la « nouvelle chair » (James Woods fusionne avec sa télé et se transforme en magnétoscope humain dans Videodrome (1982)).

David Cronenberg sur le tournage de « Crash »

Dans Crash (1996), un groupe d’hommes et de femmes cherche dans les accidents de voiture la possibilité de l’orgasme ultime, caressant les cicatrices de leurs corps avec la même sensualité que les stries sur les carrosseries. Depuis 10 ans, Cronenberg semble s’être rangé stylistiquement, mais les dérèglements psychiques restent un point de mire essentiel de son œuvre, une des plus rigoureuses du cinéma.

R.Scholer