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Cinémathèque suise, Lausanne
Cinémathèque - septembre 2016

Programme

Article mis en ligne le 5 septembre 2016
dernière modification le 19 août 2016

par Raymond SCHOLER

Au menu de septembre, un hommage à Ettore Scola avec une rétrospective qui couvre la quasi totalité de ses longs métrages ; ainsi qu’une incursion dans le Cinéma Ouest-allemand des années 1949 à 1963.

Ettore Scola
L’hommage que la Cinémathèque rend au cinéaste disparu en janvier dernier s’apparente à une rétrospective, car à part 5 ou 6 titres, tous les longs métrages sont présents. Dommage qu’on n’ait pas inclus quelques films de Dino Risi, Antonio Pietrangeli ou Mario Mattoli dont Scola signa simplement le scénario, souvent associé à Ruggero Maccari. Avant de réaliser son premier film, Scola collabora en effet à une bonne quarantaine de films d’autrui. Mais l’idée que le scénariste puisse être le co-créateur d’un film, au même titre que le chef opérateur ou le décorateur, est encore trop révolutionnaire. Un premier film, Se permettete, parliamo di donne (1964), comme d’ailleurs ceux qui suivirent dans les années soixante ( L’arcidiavolo, Riusciranno i nostri eroi a ritrovare…, Il commissario Pepe ) ont fait peu de vagues en Suisse. “Vulgarité féroce”, “bouffonnerie”, “étude de mœurs grinçante” sont parmi les qualificatifs de la critique.

Marcello Mastroianni, Monica Vitti et Giancarlo Giannini dans « Dramma della gelosia »

C’est avec Dramma della gelosia (1970) que Scola se fait vraiment connaître. Le mélange si personnel de cruauté et de tendresse devient sa marque déposée. Et déjà s’annonce une autre particularité bien connue du cinéaste, la description des désillusions, des espoirs déçus, du temps qui passe. Entre 1974 et 1981, Scola égrène les chefs-d’œuvre : C’eravamo tanto amati ; Brutti, sporchi e cattivi ; Una giornata particolare ; I nuovi mostri ; La terraza ; Passione d’amore . La Nuit de Varennes (1982) trouve le cinéaste aux prises avec l’Histoire à un de ces moments cruciaux où elle bascule : Casanova, Restif de la Bretonne et Thomas Payne poursuivent la diligence de Louis XVI et Marie-Antoinette en direction de Varennes. Dès lors, l’Histoire ne va plus le lâcher : à partir de Ballando ballando/Le Bal (1983), tous les films de Scola en sont imprégnés : les souvenirs et la nostalgie en deviennent les soubassements ( Maccheroni, La famiglia, Splendor, Il viaggio del Capitan Fracassa ). Ne manquez pas ceux des années 1990/2000 ( La Cena, Concorrenza sleale ) : ils sont injustement passés inaperçus.

Stefano Satta Flores, Vittorio Gassman et Nino Manfredi dans « C’eravamo tanto amati »

Cinéma Ouest-allemand (1949-1963)
Dans le Dictionnaire du Cinéma chez Larousse, Michel Boujut affirme sans peur du ridicule qu’entre 1949 et 1962, en Allemagne de l’Ouest, seules “quelques œuvres ici et là échappent à l’insignifiance. Elles appartiennent à la lignée des Trümmerfilme (films des ruines)“ et Boujut de citer une douzaine de titres (4 se retrouvent dans ce programme-ci). Avouez que pour 15 années de production, c’est un peu maigre. Le cinéma de papa était considéré comme futile, sans lien avec la réalité de la République fédérale et surtout consacré au divertissement kitsch : il fut enterré solennellement par le manifeste d’Oberhausen en 1962, signé par 26 jeunes cinéastes, qui voulaient fonder un Nouveau Cinéma Allemand. Le règne des Herzog, Schlöndorff, Kluge, Straub, Wenders, Fassbinder, Fleischmann, Hauff etc. allait commencer. De l’artistique, de l’exigeant, du moderne, ipso facto : souvent du barbant.

« Heimat » d’Edgar Reitz

En 1984, Edgar Reitz montra avec Heimat qu’un vrai cinéma populaire économiquement viable pouvait exister. Doris Dörrie et Joseph Vilsmaier s’engouffrèrent dans la brèche. C’en était fait du Nouveau Cinéma Allemand. Des historiens futés commençaient à regarder le cinéma allemand des années 50 de plus près. Le livre Framing the Fifties (2007) de John Davidson et Sabine Hake était une première tentative de remettre l’église au milieu du village. La rétrospective locarnaise actuelle Beloved and Rejected sur le cinéma sous Adenauer montre que la diversité de la production cinématographique était plus grande que traditionnellement admise. Des 45 longs métrages programmés à Locarno, la Cinémathèque ne nous montre à Lausanne, en tout et pour tout, que 11, dont la moitié est bien connue des téléspectateurs qui consultent les chaînes germanophones ou TCM. Pour découvrir la terra incognita, il est conseillé de ne pas manquer Rosen blühen auf dem Heidegrab (Hans H. König, 1952, un Heimatfilm surprenant et sombre), Das Bekenntnis der Ina Kahr (Georg Wilhelm Pabst, 1954, le portrait d’une femme en perdition), Viele kamen vorbei (Peter Pewas, 1956, road movie qui tourne au survival), Kirmes (Wolfgang Staudte, 1960, où les lâches sous les Nazis fanfaronnent d’autosatisfaction dans l’Allemagne pacifiée du Wirtschaftswunder).

Raymond Scholer