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Festival International du Film Fantastique (NIFFF)
Cine Die - octobre 2009

Compte-rendu de la 9e édition du Festival International du Film Fantastique.

Article mis en ligne le octobre 2009
dernière modification le 29 janvier 2012

par Raymond SCHOLER

De l’Américain William Castle aux nouveaux réalisateurs scandinaves, de Shinji Aoyama aux films de transgression made in Hong Kong, des influences de Bong Joon-ho au point sur les dernières technologies filmiques, la 9e édition du NIFFF sort ses crocs, pour la plus grande joie des mordus de films fantastiques.

Festival International du Film Fantastique (NIFFF)


Shinji Aoyama
Nimbé depuis Cannes 2000 (où son Eureka remporta le Prix de la Critique) de l’aura d’auteur, le Japonais Shinji Aoyama fabrique un cinéma construit en grande partie sur une ou deux images clés autour desquelles il brode un canevas des plus rudimentaires. Dans Mike Yokohama : A Forest With No Name (2002), il s’agit d’un arbre qui a les traits du détective célèbre : ce que cet arbre a au juste à voir avec la trame minimale qui lance Yokohama dans un sanctuaire de secte duquel il est censé extraire la fille d’un yakuza, je n’en sais rien ! Dans My God, My God, Why Hast Thou Forsaken Me ? (2005), un musicien incarné par Tadanobu Asano fait au milieu d’un pré un concert de bruits dissonants sur un assemblage d’instruments de sa création. La cacophonie semble guérir, ne demandez pas pourquoi, les suicidaires de leur dépression. Il était grand temps, car nous sommes en 2015 et un virus mystérieux, surnommé le Syndrome des Lemmings, risque de dépeupler le monde par des vagues de suicides. La bande-son est proprement affreuse, mais les images sont belles. Hélas M. Aoyama lui-même, peu loquace, n’était pas d’une grande utilité pour nous faciliter l’accès à son travail, pour lequel il faut définitivement avoir un goût acquis.

« An Obsession » de Shinji Aoyama

Sueurs froides : le cinéma de genre scandinave contemporain
Dans Vampyrer (Peter Pontikis, 2008, Suède), deux sœurs vampires, après avoir saigné un Hell’s Angel dans les toilettes d’un dancing, sont poursuivies à longueur de nuit et de film par ses copains motards à travers les parkings, ponts et hangars de la ville. Le film est tellement dénué d’idées qu’il n’utilise même pas les attributs consacrés des vampires (force surhumaine, absence de reflet, photophobie) pour pimenter une historiette standard qui pourrait tout aussi bien se passer entre humains.

« Dead Snow » de Tommy Wirkola

Dans Dead Snow (Tommy Wirkola, 2009, Norvège), des yuppies en goguette dans la nature réveillent sans le vouloir des SS zombies enfouis sous la neige depuis la fin de la Guerre. Le jeu de massacre décime vite les rangs des deux côtés, la finalité du film se réduisant au degré comique des mises à mort. L’accumulation de celles-ci s’avère lassant, surtout en fin de soirée. A conseiller avant tout aux potaches basiques. Le film qui, sans surprise, sortait du lot fut Just Another Love Story/Kaerlighed Pa Film (2007, Danemark) d’Ole Bornedal. Le créateur du terrifiant Nattevagten/Le Veilleur de Nuit (1994) a encore concocté un film noir de grande classe. Cela s’ouvre par une plongée verticale sur un homme, Jonas, qui agonise sur une chaussée détrempée et qui raconte son histoire, début qui rappelle celui de Sunset Boulevard (Billy Wilder, 1950). Jonas est impliqué dans un accident de la route qui a plongé la belle Julia dans le coma. Il se sent coupable, se rend à son chevet et laisse la famille de Julia croire qu’il est Sébastien, l’ami que celle-ci a connu en Asie. Lorsque Julia se réveille, amnésique et à moitié aveugle, Jonas s’enlise définitivement dans l’usurpation d’identité. Julia s’accroche à lui comme à une bouée de sauvetage, mais des souvenirs du Vietnam refont surface, tout comme, plus tard, le vrai Sébastien en chair et en os. Et il se trouve que Sébastien est dealer et qu’il a les triades aux trousses. Bornedal change de palette à mesure que les options de Jonas s’assombrissent : le dénouement sur une plage danoise a lieu sur fond de ciel orageux, les couleurs se couvrent de bistre comme si la vie avait commencé à les quitter.

« Just Another Love Story » d’Ole Bornedal

Compétition Internationale
Les deux films britanniques Tormented (Jon Wright) et The Children (Tom Shankland) ne m’ont guère enthousiasmé. Le premier, où un élève obèse martyrisé revient d’outre-tombe pour se venger des condisciples et du prof de gym, se contente d’appliquer une recette ressassée. Le deuxième, où les gosses de deux familles envoient leurs parents de vie à trépas lors d’un weekend récréatif, ne fonctionne pas comme il faudrait, les parents étant de tels crétins finis qu’on n’a qu’une hâte, c’est qu’on les achève.

« Grace » de Paul Solet

Dans Grace (Paul Solet, Etats-Unis/Canada), une végétarienne, tatillonne sur la vie bio (elle se passe des documentaires d’abattoir en guise de films d’horreur), donne naissance à un bébé, mort dans l’utérus à la suite d’un accident survenu quelques semaines avant l’accouchement. Elle bichonne le bébé qui revient à la vie et la tète jusqu’au sang. La mère, anémiée, croit d’abord s’en sortir en recueillant le suc de steaks juteux. Mais non ! Le petit ne veut que du sang humain. Alors, un geste désespéré est vite fait. Et puis un deuxième. Et la clandestinité s’impose comme mode de vie. Si seulement ça s’arrêtait là. Mais voilà que le petit veut de la nourriture solide et un bout de sein est vite parti. A part la résurgence du bébé zombie, denrée rare au cinéma depuis Braindead (Peter Jackson, 1992), on doit constater que cette satire des théories new age de nutrition et d’enfantement manque singulièrement de mordant, la mise en scène tirant inutilement en longueur les séquences tout en censurant les plans horrifiques jusqu’à la limite du subliminal. Vertige (Abel Ferry, France) nous donne des mains moites dans sa première partie avec les exploits vertigineux de ses protagonistes alpinistes sur des via ferrata et des ponts de corde croates, mais sa partie survival (où les rescapés se trouvent aux prises avec un ermite monstrueux) est bien moins prenante et traitée un peu par-dessus la jambe.

« Left Bank » de Pieter van Hees

Dans Linkeroever/Left Bank (Pieter van Hees, Belgique) une fosse ouvrant sur l’Enfer se cache dans les caves d’un immeuble sur la rive gauche de l’Escaut à Anvers, là même où les lépreux vivaient au Moyen-Àge.
Périodiquement, une société secrète y fait encore de nos jours des sacrifices de jeunes femmes. C’est ce que l’héroïne découvre au bout d’une lente avancée à travers une série de signes inquiétants (nausées et insomnies, cendres noires dans sa culotte, blessure qui s’infecte et pousse des bourgeons) après être tombée amoureuse d’un membre de la confrérie. A mi-chemin entre Rosemary’s Baby (Roman Polanski, 1968) et The Wicker Man (Robin Hardy, 1973). Coffin Rock (Rupert Glasson, Australie) est une bourgade côtière d’Australie qui devient le terrain de jeu d’un jeune psychopathe qui n’a qu’une idée en tête, trouver la femme de sa vie. Il se fixe sur un couple qui aimerait désespérément un enfant et dont la femme lui plaît. Elle se laisse séduire par lui un soir d’ivresse et tombe enceinte. Il viendra réclamer le fruit de leur brève étreinte. Il met le siège à leur maison et ses actes de violence laissent une communauté en désarroi. Bien plus qu’un thriller, le film de Glasson est une étude de caractères qui prend son temps, allant bien au-delà des impliqués directs, et montre qu’un acte a priori inoffensif comme succomber à une petite tentation peut avoir des ramifications sociales dévastatrices et permanentes.

« Moon » de Duncan Jones

Le meilleur film du festival (évidemment non primé) fut Moon (Royaume Uni) de Duncan Jones, fils de David Bowie. Sam Rockwell y incarne un astronaute qui, sur la face cachée de la Lune, surveille l’exploitation d’une mine de combustible nucléaire, qui est périodiquement convoyé vers la Terre. Son seul compagnon est un ordinateur, les communications avec la Terre se font indirectement par des messages amenés par les navettes. A l’occasion d’un accident de travail où il perd connaissance, il découvre qu’il n’est qu’un clone temporaire, destiné à être remplacé bientôt par un autre. La prise de conscience de son identité et les démarches qui en découlent font de ce film passionnant un digne successeur de 2001 : A Space Odyssey (Kubrick, 1968).
Au mois prochain

Raymond Scholer