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Festival de Cannes
Cannes : Palmarès 2011

Surprise, surprise...

Article mis en ligne le 1er juin 2011
dernière modification le 13 décembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Le palmarès du 64e Festival de Cannes, décerné dimanche 22 mai 2011 au soir par le jury présidé par l’acteur et réalisateur américain Robert De Niro n’a pas manqué de surprendre la presse, tant française qu’internationale, qui s’est empressée de revoir ses copies au sujet de Terence Malick et de son film The Tree of life.

Le président du jury Robert De Niro, entouré des membres du jury – Jude Law, Nansun Shi, Linn Ullmann, Mahamat Saleh Haroun, Martina Gusman, Olivier Assayas, Uma Thurman et Johnnie To – sont restés pour clore la cérémonie, malgré les émois suscités par des propos discutables de Lars von Trier.

« The Tree of life » de Terence Malick
© EuropaCorp Distribution

La Palme d’or 2011 revient donc à The Tree of Life de Terrence Malick. Ce film se présente comme une (interminable) méditation (de plus de deux heures) sur la vie et la mort, sur la perte d’un enfant et le sentiment d’injustice que ressentent les parents, sur le rapport entre Dieu et la nature. En exergue du film, une citation de Job semble inscrire le film dans une vision presque créationniste qui revient périodiquement durant le film, malgré l’affirmation véhémente du réalisateur d’avoir voulu faire un film philosophique, et non d’inspiration biblique. Tout au long de ce portrait d’une famille américaine des années 50, étouffée par le rigorisme paternel, des visions cosmiques aux couleurs psychédéliques alternent avec des prières scandées en voix-off par les personnages. Brad Pitt incarne ce père autoritaire et dénué d’amour. Il incarne la voix de la nature, de l’individualisme, le représentant de la loi du plus fort, alors que son épouse, magnifiquement interprétée par Jessica Chastain prodique amour, tendresse, écoute, sensibilité, grâce. Entre ces deux pôles irrémédiablement opposés, leur fils aîné, Jack, tente de se construire, alors qu’un drame meurtrit la famille. Pour expliquer les incidences d’une telle éducation et cette inextinguible soif de pardon, Malick alterne les dimensions spatio-temporelles, dans un incessant mouvement de caméra rapidement lassant qui remonte au Big-Bang et aux dinosaures, en passant par la course effrénée de spermatozoïdes qui côtoient les méduses, où les planètes se superposent aux vagues et à la lave de la soupe primitive, jusqu’aux années cinquante et aux buildings vitrifiés contemporains. Bref, autant la chronique familiale convainc, autant les divagations existentielles de Malick ennuient et stupéfient.

« Le gamin au vélo » des frères Dardenne

Fort heureusement, le Palmarès n’a pas fait que surprendre puisque le Grand Prix a récompensé, sans grande surprise, Le gamin au vélo des frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, et, ex æquo, Bir Zamanlar Anadolu’da (Il était une fois en Anatolie) de Nuri Bilge Ceylan.

« Il était une fois en Anatolie » de Nuri Bilge Ceylan

Le Prix de la mise en scène est revenu à Nicolas Winding Refn pour Drive. Le Prix du Jury a été remis à Maïwenn, entouré de ses nombreux acteurs, et très émue que son travail, Polisse, soit ainsi récompensé.

« Polisse » de Maïwenn

Le Prix d’interprétation masculine est venu couronné la prodigieuse interprétation de Jean Dujardin pour son rôle dans The Artist de Michel Hazanavicius, film qui plonge les spectateurs dans l’univers de Hollywood en 1927. George Valentin est une vedette du cinéma muet à qui tout sourit. L’arrivée des films parlants va faire sombrer George dans l’oubli, l’alcool et la misère. Peppy Miller, jeune figurante est propulsée au firmament des étoiles et évince définitivement l’ancienne star. Ce film relate ces destins croisés.
Présenter, à Cannes, ce film muet, en noir et blanc, produit en partie aux USA, avec Jean Dujardin et Bérénice Bejo, semblait encore relever de l’utopie il y a quelques mois... Figurer dans la compétition est déjà une victoire, selon les mots de Jean Dujardin. Le prix remis à l’acteur est plus que justifié étant donné la qualité impressionnante de son jeu, qui tient tant aux mimiques et grimaces qu’à la gestuelle. Michel Hazanavicius a également fait la part belle à sa compagne, Bérénice Bejo, qui impressionne par son aisance et sa grâce mais le réalisateur n’a hélas pas su exploité l’importance du son, des mots au cinéma, un sujet qui lui offrait moult possibilités.

Jean Dujardin dans « The Artist » de Michel Hazanavicius

Le Prix d’interprétation féminine a récompenseé Kirsten Dunst pour son rôle dans Melancholia de Lars von Trier.
Le Prix du scénario a, étonnamment, récompensé Joseph Cedar (chef de file d’une nouvelle génération de cinéaste israélien) pour Hearat Shulayim (Footnote).
La Caméra d’or revient à Pablo Giorgelli pour Las Acacias, présenté dans la section « La semaine de la critique ».

« Las Acacias » de Pablo Giorgelli

Courts-métrages
Dans cette catégorie, la Palme d’or revient à Cross de Maryna Vroda et, enfin, le Prix du Jury à Badpakje 46 (Maillot de bain 46) de Wannes Destoop.

Le président du jury, Robert de Niro, a confié que « les décisions ont été difficiles à prendre, mais qu’il fallait bien faire des choix. Cela n’enlève rien aux films qui n’ont rien eu. Michel Piccoli a été remarquable dans Habemus Papam. Nanni Moretti est un réalisateur exceptionnel. Le règlement dit qu’il ne peut n’y avoir qu’un seul prix par film. Il a été très difficile de prendre des décisions, de pondérer nos choix. Nous avons pensé que ce palmarès réunit les meilleurs prix », a encore souligné Robert de Niro...
Alors, espérons que le Président 2011 et ses jurés aient récompensé l’icône que représente Terence Malick, et indirectement son œuvre, plus que son dernier film, déconcertant et décevant. Pour sa part, le cinéaste français Olivier Assayas a estimé que « le palmarès est à la hauteur de la sélection avec des films remarquables », avant d’afficher son opinion sur Melancholia, « un des meilleurs films » de Lars Von Trier. « On est d’accord pour condamner ses propos (le cinéaste danois a affirmé « comprendre Hitler dans son bunker », insistant en affirmant avoir de la sympathie pour l’homme), mais son film est une œuvre d’art accomplie, l’un des grands films de ce festival ». Rappelons que ses propos ont suscité des remous tels sur La Croisette que le Danois, trublion notoire, a été excommunié de la Grand Messe du cinéma, sans pour autant que son film soit retiré de l’affiche de cette édition, qui finit dans le tumulte.

Firouz-Elisabeth Pillet, de Cannes 2011