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Festival de Cannes
Cannes : “Les étreintes brisées“

Troisième passage à Cannes pour Pedro Almodovar, avec son dernier film : Los Abrazos rotos.

Article mis en ligne le juillet 2009
dernière modification le 15 juillet 2009

par Firouz Elisabeth PILLET

Avec Les étreintes brisées, c’est la troisième fois que Pedro Almodovar figure dans la Compétition officielle du Festival de Cannes. En 1988, il présentait Femmes au bord de la crise de nerfs. En 1999, Almodovar revient à Cannes et gravit les escaliers rouges avec Tout sur ma mère.

Dans son appartement douillet, un homme écrit, vit et aime. Quatorze ans auparavant, il a eu un terrible accident de voiture sur l’île de Lanzarote, où il a perdu la vue et Lena, la femme qu’il aimait passionnément. Aujourd’hui, Harry Caine vit des scénarii qu’il écrit avec l’aide de sa fidèle directrice de production, Judit Garcia, et du fils de celle-ci, Diego, qui officie comme secrétaire, dactylo, lecteur et guide d’aveugle. Depuis qu’il a décidé de vivre et raconter des histoires au lieu de les filmer, Harry Caine croque la vie à pleines dents. Il a développé tous les autres sens pour jouir de la vie pleinement et a effacé de sa mémoire toutes traces de ce lui qu’il a enterré en même temps que Lena : Mateo Blanco.
Confié aux bons soins de Diego pendant l’absence de Judit, Harry voit ressurgir les fantômes du passé par le biais d’un jeune réalisateur dont la venue fait replonger Harry dans l’histoire avec Lena. Diego l’invite à lui parler de l’époque où il s’appelait Mateo Blanco. Après un moment d’hésitation, Harry accepte et relate avec nostalgie l’époque où les destins de Mateo, Lena, Judit et Ernesto Martel se mêlaient. Une histoire d’amour fou, passionnel, dominé par la jalousie, la prise et l’abus de pouvoir, la haine, la trahison se mêlent à la culpabilité. Une histoire en puzzle dont les multiples morceaux se reconstituent au fur et à mesure que le film avance.

« Les étreintres brisées » de Pedro Almodovar

Avec Les étreintes brisées, c’est la troisième fois que Pedro Almodovar figure dans la Compétition officielle du Festival de Cannes. En 1988, les sélectionneurs de La Croisette refusent d’inscrire en compétition Femmes au bord de la crise de nerfs. Un certain manque de flair que rattrapera la section parallèle « La Quinzaine des Réalisateurs », permettant au film de remporter un tonitruant triomphe auprès du public comme de la critique.
Onze ans plus tard, devenu le Cinéaste de la Movida par essence, Almodovar revient à Cannes et gravit les escaliers rouges avec Tout sur ma mère, aux pronostics prometteurs mais qui ne récoltera que le Prix de la mise en scène. Le cinéaste, dépité et vexé, refusera de présenter Parle avec elle au festival en 2002. Deux ans plus tard, Almodovar présente à l’ouverture du Festival La Mauvaise Education, ce qui l’exclut d’office de la Compétition tout en contentant son public inconditionnel. Avec Volver, en 2006, public comme critique claironnent de concert que le cinéaste de La Mancha va décrocher la Palme d’Or ; le jury, placé sous la présidence de Wong Kar Wai, n’est pas de cet avis et Almodovar repart à nouveau bredouille. Almodovar n’est d’ailleurs pas parvenu à camoufler sa déception lors de la retransmission en direct de la remise des prix.

Cette édition 2009 l’accueillait une énième fois au sein de la Compétition internationale, avec Los abrazos rotos, une histoire à tiroirs, complexe et difficile à comprendre sur le papier, mais limpide et envoûtante à l’écran. Pour incarner sa protagoniste, Pedro Almodovar a fait appel à sa muse depuis plusieurs films, Penelope Cruz, qui est littéralement sublimée par son rôle, que ce soit en brune ténébreuse ou en blonde platine. Le chef de file du cinéma espagnol contemporain a accepté de venir à nouveau sur La Croisette, persuadé que le Festival de Cannes saurait enfin lui reconnaître du talent et le récompenser à sa juste valeur.

« Les étreintres brisées » de Pedro Almodovar

La présidence du 62e Festival de Cannes, placé sous la houlette d’Isabelle Huppert, n’a pas daigné lui attribuer le moindre prix. Il faut avouer que le Palmarès 2009 avait des relents de copinages et on peut légitimement remettre en question l’objectivité de la présidente et de ses ouailles, Isabelle Huppert ayant attribué la Palme d’Or au controversé Michael Haneke et à son cinéma souvent dérangeant ; ce qui apparaît comme un retour d’ascenseur, Madame Huppert ayant été récompensée pour sa performance dans La Pianiste…. de Michael Haneke en personne. Clientélisme, cercle fermé d’amis, favoritisme… A vous de choisir le mot le plus approprié.

Le cinéaste madrilène, enfant rescapé de la dictature franquiste, ne cesse de distiller, au fil de ses œuvres, son amour pour cet art qui la sauvé des démons du passé, démons qui surgissent périodiquement sur le chemin de sa filmographie : l’intégrisme religieux, les abus de l’Eglise catholique, la répression policière et militaire, la discrimination des minorités (en ce qui le concerne, ses préférences sexuelles). Tant de spectres du passé qui alimentent de manière fructueuse son cinéma d’aujourd’hui.
Cannes n’a pas voulu lui tirer sa révérence… Que Pedro Almodovar se rassure. Même si le Festival de Cannes se veut le plus glamour de la planète, il lui reste des Festivals tout aussi côtés qui auront, espérons-le, plus de discernement…

Firouz-Elisabeth Pillet

« Los Abrazos rotos », de Pedro Almodovar, avec Penelope Cruz, Lluis Homar, Blanca Portillo. Espagne, 2009.