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Festival de Berlin 2010
Berlin : 60e Berlinale

Etat des lieux du dernier festival de Berlin.

Article mis en ligne le avril 2010
dernière modification le 25 mai 2010

par Magali FLORIS

Berlin a fêté soixante ans de cinéma avec une programmation officielle éclectique. Toutefois, deux thèmes structurent la sélection : les conflits familiaux et les malfaiteurs parfois calculateurs, souvent humains.

Pour cette édition anniversaire, le directeur du festival Dieter Kosslick tenait à « établir des ponts » entre deux mondes cinématographiques, l’occident et l’orient. Un clin d’œil à l’autre anniversaire, celui des vingt ans de la chute du mur de Berlin et de la réunification entre l’est et l’ouest.

« Tuan Yuan » de Wang Quan’an

Le film d’ouverture du 60e festival de la Berlinale, Tuan Yuan, s’inspire justement d’un rapprochement historique, celui entre Taïwan et la Chine continentale. Un ancien soldat de l’armée nationaliste exilé à Taiwan retourne à Shangaï dans le but de ramener son ancienne fiancée, désormais mariée, mère et grand-mère. Humain, intime et réfléchi, le film de Wang Quan’an (Ours d’or 2007) lit la gestion d’une situation familiale déroutante, parfois avec tact, parfois avec maladresse. L’enfant hors-mariage, l’argent, l’amour de jeunesse, le dévouement maternel... Tuan Yuan aborde des thèmes simples et universels, mais en général tabous au quotidien. Les scènes plongent dans l’intimité de la famille et s’articulent autour des repas, de leur préparation, des courses au marché poissonnier. Malgré les plans fixes et une mise en scène théâtrale, Tuan Yuan n’ennuie pas, aidé par le jeu d’acteurs expérimentés comme Lisa Lu et Ling Feng. Et grâce au scénario, primé d’un Ours d’argent.

« L’arbre et la forêt » de Olivier Ducastel et Jaques Martineau

Autre continent, autre cadre historique, mais thème similaire et toujours universel, la famille et ses conflits. L’Arbre et la Forêt des réalisateurs français Olivier Ducastel et Jaques Martineau met en scène le secret de famille, lourd et destructeur. Guy Marchand y interprète Frédérick, qui a tu pendant des années aux membres de sa famille le véritable motif de sa déportation : son homosexualité. Avec ce huis clos centré sur le récit, les réalisateurs ont désiré créer un témoignage, quasi inexistant sur ce thème en France. Le scénario se construit au rythme des réunions de famille (décès, anniversaire), dans le domaine des grands-parents sylviculteurs. Choix évident pour la poésie, le tournage a eu lieu dans un décor de forêt en automne. Le récit est poignant et lyrique, la mise en scène (un peu trop) contemplative.

« The Kids Are All Right » de Lisa Cholodenko, avec Annete Bening et Julianne Moore
© 2010 TKA Alright

Plus léger et totalement américain, The Kids Are All Right de Lisa Cholodenko complète le tableau du thème familial. Cette comédie frénétique et absolument hilarante met en scène sans détours l’homoparentalité. Une famille composée de deux mères lesbiennes, leur fils et leur fille, traverse en même temps crises de la quarantaine et crises d’adolescence. L’intrusion du père biologique des deux enfants bouleverse l’équilibre de ce cocon familial. Lisa Cholodenko ose briser les tabous à la hache, ce qui lui a valu le Teddy Award pour le meilleur film gay ou transgenre. 

« The Ghostwriter » de Roman Polanski

Polanski
Le nom était sur toutes les lèvres, le réalisateur d’une absence retentissante, toujours en résidence surveillée à Gstaad, la première mondiale surmédiatisée. Thriller maîtrisé, The Ghost Writer était donné favori par beaucoup. Le jury a finalement trouvé le bon compromis en offrant l’Ours d’argent du meilleur réalisateur à Roman Polanski. Et seules les mauvaises langues diront que les déboires judiciaires auront servi au cinéaste. Même si la classique théorie du complot demeure un point faible de ce scénario un peu trop prévisible. Ewan McGregor interprète un “nègre“ chargé un peu malgré lui de finir le boulot de son prédécesseur mort noyé, qui écrivait les mémoires du Ministre britannique. Personnage plutôt passif, il se laisse guider par les circonstances et par un GPS jusqu’aux véritables raisons du décès du premier nègre. Couleurs métallisées, dialogues sarcastiques, bande son dramatique et apparitions fantômes donnent un rythme singulier au thriller, qui mérite son Ours d’argent.

« Der Raüber » de Benjamin Heisenberg

Les criminels en tout genre ont eu la part belle tout au long du festival, du coureur de marathon braqueur de banques (Der Räuber) au serial killer inhumain et sadique de Michael Winterbottom (The Killer Inside Me) en passant par le tueur à gages pince sans rire (A Somewhat Gentle Man). La violence perverse de The Killer Inside Me choque par sa gratuité et la constance du personnage principal, froid et calculateur, peinent à donner un intérêt à une adaptation à la lettre du roman de Jim Thomson. A oublier. Au contraire de la scène de chasse à l’homme haletante après le braqueur impulsif du film-marathon Der Räuber, tirée d’une histoire vraie. Toujours dans le registre des criminels, l’intelligence de Submarino et l’humour sarcastique de A somewhat Gentle Man laissaient présager au premier week end du festival une présence nordique au palmarès.

« If I Want to Whistle » de Florian Seban

Pourtant, c’est le premier long métrage du réalisateur roumain Florian Seban qui a cumulé les prix (le Grand Prix du jury et le Prix Alfred Bauer). If I want to whistle, I whistle est “un film qui siffle“, d’après Seban. Caméra au poing, le réalisateur a adapté la pièce de théâtre éponyme façon documentaire, en travaillant avec de vrais détenus et de jeunes acteurs, parfois même avec de vraies bagarres. Étonnant contraste, le décor champêtre de la prison pour jeunes fait écho au destin du personnage principal. Silvio, un jeune criminel attachant, prend en otage une assistante sociale à quelques jours de sa libération. Une réflexion sur la délinquance, due davantage à l’environnement et à l’éducation qu’au caractère profond des personnes.

Parmi cette sélection officielle, My name is Khan fait figure d’OVNI. Semble-t-il qu’à Bollywood tout soit permis. Tout, même de réinterpréter Forrest Gump et Rainman avec une grande star indienne, Shah Rukh Khan, mal à l’aise et peu convaincant dans la peau d’un autiste, qui à lui seul parvient à changer les mentalités américaines d’après 11 septembre. Naïf, bariolé, excessif et éternellement long... Toujours dans la catégorie “inclassables“, le seul film français en course pour l’Ours d’or, Mammuth. Les déjantés Delépine et Kervern ont concocté un rôle sur mesure pour Gérard Depardieu. Le dinosaure du cinéma français a puisé dans le personnage d’Obélix pour interpréter un motard sexagénaire en quête de preuves d’emploi pour sa caisse de retraite.

Magali Floris

A noter que la 60e édition de la Berlinale a attribué l’Ours d’or du meilleur film à « Miel » du Turc Semih Kaplanoglu.
Plus d’informations sur : http://www.berlinale.de/

« Miel » de Semih Kaplanoglu